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tentes de la suite du roi de Portugal. De là il marcha au général Fagel, qui fut battu et fort poursuivi ; il pensa être pris ; il y eut six cents prisonniers avec tous leurs officiers ; et sans les montagnes, pour vingt hommes qu’il en coûta au duc, rien ne seroit échappé du corps de Fagel, qui s’y dispersa en désordre.

Portalègre et d’autres places suivirent ces succès et augmentèrent bien le crime d’Orry, comme je l’ai dit ailleurs, par la conquête du Portugal, alors sans secours, qu’avec les précautions sur lesquelles on comptoit à l’ouverture de la campagne, il auroit été facile de faire, au lieu que les secours ayant eu le temps d’arriver avant le printemps suivant, ce côté-là devint le plus périlleux, et celui par lequel l’Espagne fut plus d’une fois au moment d’être perdue. Berwick avoit d’abord pris Salvatierra avec dix compagnies à discrétion, et fait divers autres petits exploits. Ce fut pendant cette campagne que le roi d’Espagne se forma un régiment des gardes espagnoles dont le comte d’Aguilar fut fait colonel. Ce grand d’Espagne reviendra plusieurs fois sur la scène. On le fera connoître dans la suite.

Les armées de Flandre et d’Allemagne étoient dans un grand mouvement depuis l’ouverture de la campagne l’empereur serré de près par les mécontents de Hongrie, ce royaume tout révolté, le commerce intercepté dans la plupart des provinces héréditaires qui en sont voisines, Vienne même dans la confusion par les dégâts et les courses que souffroient non seulement sa banlieue, mais ses faubourgs qui étoient insultés, et l’empereur qui avoit vu brûler sa ménagerie et avoit éprouvé en personne le danger des promenades au dehors ; une situation si pénible porta toute son attention sur la Bavière. Il craignit tout des succès d’un prince qui, à la tête d’une armée française et de ses propres troupes, pourroit donner la loi à l’Allemagne et l’enfermer entre les mécontents et lui à n’avoir plus d’issue. Le danger ne parut pas moins grand à ses alliés ; de sorte que la résolution fut prise de porter toutes leurs forces dans le cœur