Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’autre partie, rebutée de sa paresse, de sa hauteur, surtout de l’audace de ce qu’il avançoit en tout genre, et retenue par la crainte de son crédit et de son autorité, laissoit ses louanges poussées à l’excès sans contradiction aucune, qui en faisoient un héros à grand marché ; et le roi, qui se plaisoit à tout ce qui en pouvoit donner cette opinion, devenoit sans cesse le premier instrument de la tromperie grossière dans laquelle il étoit plongé à cet égard.

Le fils de Vaudemont, nouveau feld-maréchal de l’empereur, et qui commandoit son armée à Ostiglia, y mourut en quatre jours de temps. Ce fut pour lui, pour sa sœur et pour ses deux nièces une très sensible affliction. La politique leur fit cacher autant qu’ils le purent une douleur inutile puisqu’il n’y a point de remède. Mlle de Lislebonne et Mme d’Espinoy ne purent s’empêcher d’en laisser voir la profondeur à quelques personnes, ou par confiance, ou peut-être plus encore de surprise. Cette remarque suffit pour fournir aux réflexions.

Le vieux maréchal de Villeroy, grand routier de cour, disoit plaisamment qu’il falloit tenir le pot de chambre aux ministres tant qu’ils étoient en puissance, et de leur renverser sur la tête sitôt qu’on s’apercevoit que le pied commençoit à leur glisser. C’est la première partie de ce bel apophtegme que nous allons voir pratiquer au maréchal de Tessé, en attendant que nous lui voyions accomplir pleinement l’autre partie. Avec la même bassesse qu’il s’étoit conduit en Italie avec le duc de Vendôme, malgré les ordres si précis du roi de prendre sans ménagement le commandement sur lui, avec la même accortise il fit la navette avec La Feuillade en Dauphiné et en Savoie, pour le laisser en chef quelque part et y accoutumer le roi. D’accord avec Chamillart, il fit le malade quand il en fut temps, le fut assez longtemps pour se rendre inutile et obtenir enfin un congé qui laissât La Feuillade pleinement en chef d’une manière toute naturelle, et en état de recevoir comme nécessairement la