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l’exécuta. Cela fit traiter honnêtement Barbezières et en prisonnier de guerre, jusqu’à ce qu’il fut enfin renvoyé.

M. de Vendôme et son frère repaissoient le roi toutes les semaines par des courriers que chacun d’eux envoyoit de son armée, et souvent plus fréquemment de projets et d’espérances d’entreprises qui s’alloient infailliblement exécuter deux jours après, et qui toutes s’en alloient en fumée.

On comprenoit aussi peu une conduite si propre à décréditer, que la persévérance du roi à s’en laisser amuser et à être toujours content d’eux ; et cette suite si continuelle et si singulière de toutes leurs campagnes prouve peut-être plus l’excès du pouvoir qu’eut toujours auprès de lui leur naissance et la protection pour cela même de M. du Maine, conséquemment de Mme de Maintenon, que tout ce qu’on lui a vu faire avant et depuis pour les bâtards comme tels. De temps en temps quelque petite échauffourée soutenoit leur langage, dans un pays si coupé où deux grandes armées jouoient aux échecs l’une contre l’autre. À la mi-mai M. de Vendôme tenta l’exploit de chasser de Trin quelques troupes impériales ; il y arriva trop tard, à son ordinaire, et trouva les oiseaux envolés. Il fit tomber sur une arrière-garde qui se trouva si bien protégée par l’infanterie postée en divers lieux avantageux sur leur retraite, qu’elle se fit très bien malgré lui. Il leur tua quatre cents hommes et prit force prisonniers, entre autres Vaubrune, un de leurs officiers généraux, grand partisan et fort hasardeux. Qui compteroit exactement ce que M. de Vendôme mandoit au roi chaque campagne qu’il tuait ou prenoit aux ennemis ainsi en détail, y trouveroit presque le montant de leur armée. C’est ainsi qu’en supputant les pertes dont les gros joueurs se plaignent le long de l’année, il s’est trouvé des gens qui, à leur dire, avoient perdu plus d’un million, et qui en effet n’avoient jamais perdu cinquante mille francs. La licence et la débauche, l’air familier avec les soldats et le menu officier faisoit aimer M. de Vendôme de la plupart de son armée.