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par ses grenadiers qui tirèrent une ligne parallèle au Rhin à la tête du pont, malgré les faibles efforts des ennemis pour l’empêcher, incommodés du feu de l’artillerie et des quinze cents hommes qui étoient dans l’île, et de force petits bateaux chargés de grenadiers. Dans cette posture, Villars, maître d’achever de passer le Rhin, voulut attendre des nouvelles de l’électeur de Bavière, et cependant le prince Louis de Bade et la plupart de ses officiers généraux vinrent se retrancher à Friedlingen. Le 12 octobre Laubanie, avec un détachement de la garnison du Neuf-Brisach, passa le Rhin dans de petits bateaux, et emporta la petite ville de Neubourg l’épée à la main, s’y établit et y fut suivi par notre pont de M. de Guiscard avec vingt escadrons et dix bataillons. Le prince Louis sur cette nouvelle ne douta pas que Villars ne voulût faire là son passage, quitta Friedlingen et marcha à Neubourg le 14 au matin. Ce même matin, à sept heures, Villars, averti de cette marche, sortit de Huningue, fit diligemment passer tout ce qu’il avoit de troupes en deçà par son pont dans l’île. La cavalerie passa à gué l’autre petit bras du Rhin et l’infanterie sur le second pont, qu’il avoit remué à temps et porté vis-à-vis Friedlingen avec son artillerie.

Là-dessus le prince Louis, qui étoit en marche, fit retourner toutes ses troupes, qui étoient quarante-deux escadrons avec son infanterie ; cinq, de ses escadrons firent le tour d’une petite montagne escarpée de notre côté, pour en gagner la crête par derrière, et les trente-sept autres marchèrent à Villars plus tôt qu’il ne s’attendoit à les voir. Il n’avoit que trente-quatre escadrons, parce qu’il en avoit détaché six pour aller joindre Guiscard à Neubourg. Trois charges mirent en désordre la cavalerie impériale, qui fut reçue par six bataillons frais qui la soutinrent. Leurs autres bataillons s’étoient postés sur la montagne, dont il fallut les déloger en allant à eux par les vignes et l’escarpement qui étoit de notre côté. Ainsi ce fut un combat bizarre