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de moi. En arrivant le matin, il m’ouvrit le bras d’un bout à l’autre. Il étoit temps, l’abcès gagnoit le coffre, et se manifestoit par de grands frissons. Il demeura deux jours auprès de moi, vint après plusieurs jours de suite, puis de deux jours l’un. L’adresse et la légèreté de l’opération, des pansements, et de me mettre commodément passe l’imagination. Il prit prétexte de cet accident, pour parler de moi au roi, qui après que je fus guéri m’accabla de bontés. Chamillart étoit enfin venu à bout de me raccommoder avec lui quelque temps auparavant. Tout ce que dit Maréchal acheva. J’avois fait un léger effort du bras le jour de la saignée auquel j’attribuois l’accident, et je voulus que Le Dran me saignât dans le cours de cette opération pour ne le pas perdre. Maréchal et Fagon ne doutèrent pas que le tendon n’eût été piqué. Par des poids qu’on me fit porter, mon bras demeura dans sa longueur ordinaire, et je ne m’en suis pas senti depuis. J’avois jour et nuit un des meilleurs chirurgiens de Paris auprès de moi, qui se relevoient. Tribouleau, qui l’étoit des gardes françaises avec beaucoup de réputation, me conta qu’il falloit que M. de Marsan fût bien de mes amis, qu’il l’avoit arrêté dans les rues, qu’il lui avoit demandé de mes nouvelles avec des détails et un intérêt infini. La vérité étoit qu’il vouloit mon gouvernement et qu’il le demanda. Le roi lui demanda à son tour si je n’avois pas un fils, et le rendit muet et confus. Chamillart, sans qu’on l’en eût prié, s’en étoit assuré pour mon fils, en cas que je n’en revinsse pas, et n’y avoit pas perdu de temps. Je ne fis pas semblant dans la suite de savoir le procédé de M. de Marsan, avec qui d’ailleurs, comme avec tous ces Lorrains, je n’étois en aucun commerce.

L’Église et le siècle perdirent en ce même temps les deux prélats qui fussent alors chacun à l’une et à l’autre avec le plus d’éclat, le fameux Bossuet, évêque de Meaux, pour l’un, et le célèbre cardinal de Fürstemberg, pour l’autre. Tous deux sont trop connus pour que j’aie à rien dire de