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retirer sous Vienne avec cinq mille hommes qu’il commandoit. Ils brûlèrent les environs de cette demeure impériale, d’où on voyoit les feux et d’où on ne pouvoit sortir ni entrer librement, faute de troupes pour les écarter, et où la consternation fut d’autant plus grande, que l’envoyé de hollande à Vienne s’employa inutilement auprès d’eux, et qu’ils rejetèrent les propositions qu’il leur fit de la part de l’empereur.

Le maréchal de Villeroy s’en retourna à Bruxelles après quelque séjour à la cour ; il s’y prit d’affection pour le baron Pallavicin, dont il fit bientôt après son homme de confiance dans son armée, où il alla servir. Ce baron étoit un grand homme très bien fait, de trente-cinq ans ou environ, point marié, et de beaucoup d’esprit, de valeur et de talents pour la guerre et pour l’intrigue, dont on n’a jamais bien démêlé l’histoire. Il avoit été fort bien avec M. de Savoie, dont son père étoit grand écuyer, et sa mère dame d’honneur d’une des deux duchesses. Il fut arrêté avec les troupes de ce prince et donna sa parole. M. de Savoie lui manda de revenir en Piémont, il s’en excusa sur la parole qu’il avoit donnée. M. de Savoie lui écrivit que, s’il ne revenoit, il s’attireroit son indignation. Là-dessus Pallavicin abandonna le service de Savoie et se donna à celui de France, sans qu’on ait jamais pu savoir la cause du procédé du maître ni du sujet. Il eut deux mille écus de pension en arrivant. Le maréchal de Villeroy, qui aimoit les étrangers et les aventuriers, s’infatua de celui-ci qui devint son homme de confiance dans la suite, à la cour comme à l’armée, où cette faveur du général excita beaucoup de jalousie.

Le maréchal de Tallard s’en alla en Forez marier son fils aîné à la fille unique de Verdun, très riche héritière et qui en avoit aussi l’humeur et la figure.

Tallard et Verdun étoient enfants des deux frères et avoient ensemble des procès à se ruiner que ce mariage termina. Verdun étoit un homme de beaucoup d’esprit, mais singulier, qui n’avoit