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Il faut ici placer l’époque de la cessation des visites de Mme la duchesse d’Orléans aux dames non titrées, et reprendre cette matière de plus haut.

Jusqu’en 1678 la reine alloit voir les duchesses à leur mariage, à leurs couches, à la mort des parents dont elles drapoient. Le roi avoit cessé de venir exprès à Paris quelques années auparavant, et les avoit toujours visitées jusque-là, même les ducs. Il haïssait le duc de Lesdiguières, de l’orgueil duquel il étoit choqué. C’étoit un seigneur qui, par soi et par l’héritière de Retz qu’il avoit épousée, se trouvoit des biens immenses, qui dépensoit plus qu’à proportion, et qui, avec le gouvernement de Dauphiné où il étoit adoré et qu’il avoit eu après ses pères, depuis le connétable de Lesdiguières, faisoit sa cour comme autrefois et non comme le roi vouloit qu’on la lui fît. Avec une brillante valeur, des talents pour la guerre, et ceux encore d’y plaire, il avoit capté les troupes. Avec moins de vent et plus de réflexion, c’eût été un homme en tout temps dans un royaume. Il n’étoit pas moins considéré à la cour, et à la mode parmi les dames et dans le monde. Il mourut à trente-six ans, en mai 1681, d’une pleurésie qu’il prit pour avoir bu à la glace au sortir d’une partie de paume, à Saint-Germain. Le roi, qui pourtant envoya de Versailles savoir de ses nouvelles, car cela étoit encore alors sur ce pied-là, ne put cacher son soulagement de cette mort. Il ne laissa qu’un fils unique, né en octobre 1678, que nous avons vu en son temps épouser une fille de M. de Duras, mourir sans enfants ensuite, et laisser sa dignité au vieux Canaples, en qui enfin elle s’éteignit. Mme de Lesdiguières étoit une manière de fée qui dédaignoit tous les devoirs, qui par conséquent étoit peu aimée et qui se consola aisément d’un mari qui ne vivoit pas uniquement pour elle, qui forçoit son humeur impérieuse et particulière par une maison toujours ouverte, et qui la laissoit maîtresse de tout dans la plus grande opulence.

Ce fut donc par elle que le roi commença à retrancher aux