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vingts ans, et pour des affaires de son patrimoine. Elle fut exilée sans l’avoir mérité, elle fut rappelée sans l’avoir demandé. Elle vit le roi deux mois après, qui lui fit des honnêtetés, et presque des excuses.

Nangis, le favori des danses, épousa, dans les premiers jours de cette année, une riche héritière, fille du frère de l’archevêque de Sens, La Hoguette.

En même temps il s’en fit un autre qui surprit un peu le monde : ce fut celui du vidame d’Amiens, second fils du duc de Chevreuse, avec l’aînée des deux filles que le marquis de Lavardin avoit laissées de son second mariage avec la sœur du duc et du cardinal de Noailles, laquelle étoit morte devant lui.

Ces filles, d’un nom illustre mais éteint, étoient riches par la mort de leur frère, tué, comme on l’a vu, à la bataille de Spire. Elles étoient sous la tutelle des Noailles qui seuls pouvoient disposer d’elles. Le duc de Noailles avoit, depuis longues années, de ces procès piquants avec M. de Bouillon pour la mouvance de ses terres du vicomté de Turenne. Ils avoient pris toutes sortes de formes dans cette longue durée et pour les tribunaux et pour la conciliation. M. de Chevreuse s’en étoit fort mêlé, et les choses sembloient fort adoucies, lorsque depuis peu M. de Bouillon fit envoyer des troupes dans cette vicomté pour y châtier une révolte de plusieurs vassaux contre lui, qu’il publia excités et protégés par M. de Noailles. L’éclat entre eux se renouvela.

M. de Noailles en fut peiné ; M. de Chevreuse s’entremit encore, et on prétendit que les Noailles se hâtèrent de proposer et de brusquer ce mariage pour gagner M. de Chevreuse, et sortir d’affaires par son moyen. Le vidame avoit père et mère et un frère aîné qui avoit des enfants, force dettes du père et du frère, et la succession du duc de Chaulnes, qui le regardoit après M. de Chevreuse, fort obérée. On ne lit point dans l’avenir, et personne n’imaginoit alors que ce cadet vidame auroit la charge de son père, seroit fait duc et pair, et deviendroit maréchal de France.