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lequel se trouva ainsi de la seule voix du premier président ; leur attention se réveilla, et ils trouvèrent que la même chose n’étoit plus rare. Ils s’informèrent aux rapporteurs et aux greffiers. Ces derniers s’étoient bien souvent aperçus de quelque chose, mais ils n’avoient osé parler. Enfin, encouragés par les conseillers, ils revirent les arrêts des procès par écrit, signés par le premier président, ils les montrèrent aux rapporteurs ; il s’en trouva plusieurs d’extrêmement altérés. Les plaintes en furent portées au roi, et si bien prouvées, qu’il commanda à Novion de se retirer, et tout à la fin de 1689 Harlay fut mis en sa place. Il avoit succédé à Lamoignon en 1678, de la femme duquel il étoit cousin germain. Il vécut encore quatre ans dans l’abandon et dans l’ignominie, et mourut à sa campagne sur la fin de 1693, à soixante-treize ans. Nous verrons son petitfils en la même place, très indigne de toutes celles par lesquelles il passa.

La cour étoit à Fontainebleau du 19 septembre. Mélac y arriva et salua le roi le 4 octobre, et, le lendemain au soir, fut longtemps avec le roi et Chamillart chez Mme de Maintenon. Chamillart le mena de là chez lui, et lui détailla ce que le roi lui donnoit, qui avec la continuation de ses appointements de gouverneur de Landau, et quinze mille livres de pension pour l’avoir si bien défendu, montoit à trente-huit mille livres de rente. Mélac, loué et caressé du roi, applaudi de tout le monde, crut avoir mérité des honneurs. Il insista encore plus lorsqu’il les vit donner incontinent après, comme je vais le rapporter, à qui n’eût pas eu le temps de les aller chercher de l’autre côté du Rhin, si Landau n’eût tenu plus de six semaines au delà de toute espérance.

Mélac outré de douleur se retira à Paris. Il n’avoit ni femme ni enfants. Il s’y retira avec quatre ou cinq valets, et s’y consuma bientôt de chagrin dans une obscurité qu’il ne voulut adoucir par aucun commerce.

C’étoit un gentilhomme de Guyenne, de beaucoup d’esprit,