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et que les princesses avoient refusé la quête, ce que Monseigneur lui confirma.

M. de Laon étoit frère de Clermont, dont j’ai raconté la disgrâce, que Monseigneur aimoit toujours. Il m’apprit que Monseigneur se moquoit souvent des prétentions des princes et des idées de son amie Mlle de Lislebonne là-dessus, quelquefois jusque devant elle, et qu’il n’étoit point mené par elle ni par Mme d’Espinoy là-dessus. Il avoit su ce propos du roi à Monseigneur par Mlle Choin, avec qui par son frère il étoit demeuré dans la liaison la plus intime. Il me conta plusieurs détails là-dessus qui m’ôtèrent d’inquiétude sur Monseigneur pour les rangs. Je les contai au duc de Montfort, mon ami intime, qui n’en étoit pas moins en peine que moi, mais je ne nommai pas mon auteur, qui ne le vouloit pas être. Le rare est qu’il étoit en grande liaison avec ce prélat par les Luxembourg ; Il lui en gardoit le secret, et me l’avoit bien voulu confier, tellement que le duc de Montfort, qui ne me voyoit en nulle liaison avec Monseigneur ni avec personne de sa cour particulière, ne pouvoit imaginer d’où je les avois sus, et pensoit presque qu’il falloit que le diable me l’eût dit.

Je me suis peut-être trop étendu sur une affaire qui se pouvoit beaucoup plus resserrer. Mais, outre qu’elle est mienne, il me semble que c’est plus par des récits détaillés de ces choses de cour particulières qu’on la fait bien connoître, et surtout le roi si enfermé et si difficile à pénétrer, si rare à approcher, si redoutable à ses plus familiers, si plein de son despotisme, si aisé à irriter par ce coin-là et si difficile à en revenir, même en voyant la vérité d’une part et la tromperie de l’autre, et toutefois capable d’entendre raison quand il faisoit tant que de vouloir bien écouter, et que celui qui lui parloit la lui montroit même avec force, pourvu qu’il le flattât sur son despotisme, et assaisonnât son propos du plus profond respect : tout cela se touche au doigt, par les récits mieux que par toutes les autres paroles : et