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empressés de faire s’il leur en eût dit autant qu’à M. le Grand. Le roi, sans répondre qu’à soi-même, continua que c’étoit une chose étrange que, depuis que j’avois quitté son service, je ne songeasse qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde ; que j’étois le premier auteur de celui-ci, et que, s’il faisoit bien, il m’enverroit si loin, que je ne l’importunerois de longtemps.

Chamillart répondit que si j’examinois ces choses de plus près, c’étoit que j’étois plus capable et plus instruit que les autres, et que, cette dignité me venant des rois, Sa Majesté me devoit savoir gré de la vouloir soutenir. Puis, se prenant à sourire, il ajouta, pour le calmer, qu’on savoit bien qu’il pouvoit envoyer les gens où il lui plaisoit ; mais que ce n’étoit guère la peine d’user de ce pouvoir, quand d’un mot on pouvoit également ce qu’on vouloit, et que, quand on ne l’avoit pas, ce n’étoit que faute de le dire. Le roi point apaisé répliqua : que ce qui le piquoit le plus étoit le refus de ses filles par leurs maris, et surtout de la cadette, apparemment à mon instigation. Sur quoi Chamillart répondit que l’un des deux étoit absent, et que l’autre n’avoit que fait conformer sa femme à ce que faisoient les autres, ce qui n’avoit point ramené le roi, qui, toujours fâché, avoit encore grondé un moment, puis commencé le travail. Après l’avoir remercié d’avoir si bien parlé sur les ducs en général, et sur moi en particulier, il me conseilla de parler au roi et au plus tôt, un mot sur les ducs et la quête, puis sur moi dont il étoit malcontent, et me dit la substance de ce qu’il me conseilloit de lui dire. Ces propos du roi étoient le fruit d’une audience assez longue qu’il avoit donnée au grand écuyer avant de passer chez Mme de Maintenon.

Au sortir d’avec Chamillart, j’allai conter au chancelier ce que j’en venois d’apprendre. Il fut du même avis que je parlasse, et tôt ; qu’attendre ne feroit que confirmer le roi dans ce qui l’irritoit, et ne rien faire après en lui parlant ; qu’il falloit donc se commettre à l’événement, lui demander