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de ses négociations d’Angleterre, surtout ce qu’il y avoit obtenu d’important par Mme de Portsmouth lors de la guerre de Hollande et pendant toute son ambassade ; et qu’après de tels services rendus par elle, c’étoit se déshonorer que les oublier.

Louvois, qui s’en souvenoit bien, et à qui Courtin en rappela plusieurs traits considérables, suspendit l’envoi de la lettre de cachet et rendit compte au roi de l’aventure et de ce que Courtin lui avoit dit ; et sur ce témoignage qui rappela plusieurs faits au roi, il fit jeter au feu la lettre de cachet, et fit dire à la duchesse de Portsmouth d’être plus réservée. Elle se défendit fort de ce qu’on lui imputoit, et, vrais ou faux, elle prit garde désormais aux propos qui se tenoient chez elle.

Courtin avoit gagné, à ses ambassades, la liberté de paroître devant le roi, et partout, sans manteau, avec une canne et son rabat. Pelletier de Sousy avoit obtenu, par son travail avec le roi sur les fortifications, la même licence tous deux conseillers d’État et tous deux les seules gens de robe à qui cela fût toléré, excepté les ministres qui paraissoient de même. Il y avoit même peu que les secrétaires d’État s’habilloient comme les autres courtisans, quoique de couleurs et de dorure plus modestes, et Chamillart ne prît l’habit gris avec de simples boutons d’or que depuis qu’il fut secrétaire d’État. Desmarets a été le seul contrôleur général qui, tout à la fin de la vie du roi, ait pris l’habit gris, la cravate et le bouton d’or. Pomponne, à son retour, étoit aussi vêtu de même, mais il avoit été longtemps secrétaire d’État. Le roi aimoit et considéroit fort Courtin, et se plaisoit avec lui. Jamais il ne paraissoit au souper du roi une ou deux fois la semaine que le roi ne l’attaquât aussitôt de conversation qui, d’ordinaire, duroit le reste du souper. Il demeura pourtant simple conseiller d’État, quoique fort distingué, parce qu’il ne vaqua rien parmi les ministres tant que son âge et sa santé lui auroient permis d’en profiter. En ces temps-là, et jusqu’à la mort du roi, nul homme du parlement