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MM. de Bouillon avoient employé la ruse et fait avertir M. de Coislin qu’on le demandoit à la porte pour quelque chose de pressé, et qu’il répondit, en montrant le premier président derrière lui : « Rien de si pressé que d’apprendre à M. le premier président ce qu’il me doit, et rien ne nie fera sortir d’ici, que M. le premier président que voilà derrière moi n’en sorte le premier. » Le duc de Coislin demeura là encore un argument entier, puis s’en alla chez lui. Les quatre princes du sang l’allèrent voir le jour même, et la plupart de tout ce qui avoit vu ou su son aventure, en sorte que sa maison fut pleine jusque fort tard.

Le lendemain il alla au lever du roi, qui, par des gens revenus de Paris après la thèse, avoit su ce qui s’étoit passé. Dès qu’il vit le duc de Coislin, il lui en parla, et, devant toute la cour, le loua de ce qu’il avoit fait, et blâma le premier président en le taxant d’impertinent qui s’oublioit, terme fort éloigné de la mesure des paroles du roi. Son lever fini, il fit entrer le duc dans son cabinet, et se fit non seulement conter, mais figurer la chose ; cela finit par dire au duc de Coislin qu’il lui feroit justice ; puis manda le premier président à qui il lava la tête, lui demanda où il avoit pris qu’il pût disputer quoi que ce fût aux ducs hors la séance du parlement, sur quoi il ne décidoit rien encore, et lui ordonna d’aller chez le duc de Coislin à Paris lui demander pardon, et le trouver, non pas aller simplement à sa porte. Il est aisé de comprendre la honte et le désespoir où se sentit Novion d’avoir à faire une démarche si humiliante et après ce qui venoit de lui arriver ; il fit parler au duc de Coislin par le duc de Gesvres et par d’autres, et fit si bien en vingt-quatre heures que le duc de Coislin’, content de son avantage et d’être le maître de faire subir au premier président toute la rigueur du commandement qu’il avoit reçu à son égard, eut la générosité de l’en dispenser et de se charger encore envers le roi d’avoir fermé sa porte au premier président, qui, sûr de n’être pas reçu, alla chez lui