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Celle du prince Louis, mal payée et délabrée, observoit de loin l’électeur, et il n’y avoit rien au deçà du Rhin qui pût mettre obstacle à l’entreprise. Marsin, fit l’investiture, et la tranchée fut ouverte le 18 octobre. Il eût été heureux que la mésintelligence n’eût pas troublé tout ce qu’il se pouvoit faire sur le Danube, et au delà, où il n’y avoit plus d’armées en état de s’opposer à rien de ce que l’électeur eût voulu entreprendre. Il étoit en état de porter la guerre dans les pays héréditaires et de profiter du dénuement de l’empereur, qui de Vienne, voyoit le fer et les feux que Ragotzi portoit dans son voisinage. Mais une guerre intestine tourmentoit plus l’électeur que ses prospérités ne lui donnoient de joie. Villars, continuant à suivre ses projets pour sa fortune particulière, ne cessoit de traverser ce prince en tout, de lui refuser ses secours pour toutes entreprises qui ne cadroient pas avec les siennes pour s’enrichir, et de le rendre suspect au roi d’abandonner ses intérêts. Les choses en vinrent au point que Villars cessa d’aller chez l’électeur, hors pour des raisons très rares et indispensables, et d’en user avec lui par ses défiances affectées et ses hauteurs à ne pouvoir plus être supporté. En cette situation, l’électeur assembla chez lui les principaux officiers de l’armée, et en leur présence interpella Villars de lui déclarer s’il agissoit avec lui comme il faisoit par ordre du roi ou de soi-même ; le maréchal n’eut pas le mot à répondre, et cette démarche, qui mit les choses au net, acheva aussi de le rendre fort odieux. Il l’étoit déjà par ses incroyables rapines et par toute sa conduite avec les troupes, tandis que l’électeur étoit adoré de tous. De part et d’autre les courriers marchèrent. Villars, ses coffres remplis et sa femme absente, ne désiroit rien plus que de sortir d’une si triste situation ; et l’électeur demandoit formellement d’être délivré d’un homme qui lui manquoit à tout avec audace, qui barroit ses projets les plus certains, et qui tête levée ne sembloit être venu en son pays que pour le mettre à la plus forte contribution à son profit particulier.