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jamais été à portée de se mêler de rien, ni de lui donner aucun ombrage. Tels furent Valouse qui étoit ici écuyer du duc d’Anjou, et qui fit dans les suites une fortune en Espagne jusqu’à devenir premier écuyer du roi et chevalier de la Toison d’or. Il y est mort longues années après, toujours bien avec le roi et avec tout le monde, et toujours fort en garde de se mêler de rien. Quelques bas valets intérieurs restèrent aussi avec La Roche qui eut l’estampille, incapable de faire rien qui pût déplaire à Mme des Ursins, et Hersent qui eut l’emploi de guardaropa. Le despacho était déjà tombé en ridicule sur les fins des deux cardinaux. Pour le rendre tel et fatiguer ces vieillards, Mme des Ursins le fit tenir à dix heures du soir. Après leur retraite, ce ne fut plus la peine de s’en contraindre, puisque Rivas y était demeuré seul ; mais l’étendue de sa charge importunoit la camarera-mayor, qui, résolue à s’en défaire, ne s’en vouloit défaire qu’estropié, pour n’avoir pas à lui donner de successeur entier. Elle détacha donc de sa charge, qui embrassoit tous les départements, excepté les finances et le commerce qu’Orry faisoit sans titre mais sans supérieur, le département de la guerre et celui des affaires étrangères, qu’elle donna au marquis de Canales, connu dans ses ambassades sous Charles II, par le nom de don Gaspar Coloma. On peut juger ce qui resta au pauvre Rivas, dépouillé des affaires étrangères, des finances et de la guerre. Ce ne fut qu’un prélude : bientôt après Rivas fut tout à fait remercié. Il survécut à ses places et à sa fortune dans une obscurité qui ne finit qu’avec sa vie, qui dura encore pour le moins vingt-cinq ans, pendant lesquels il eut le plaisir de voir la chute de son ennemie et force grands changements.