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tout ne passât par Mme des Ursins, conséquemment par elle, sans ambassadeurs ni ministres. Je dis la déroute des deux cardinaux, parce que Portocarrero, voyant son confrère prêt à partir, quitta le despacho et les affaires où il n’étoit plus rien après la figure qu’il avoit faite, et dit qu’à son âge il avoit besoin de repos et de ne s’occuper plus que de son salut et de son diocèse. Il ne trouva pas le moindre obstacle à sa retraite. Don Manuel Arias, gouverneur du conseil de Castille, qui sentit combien ce changement influoit sur son ministère et portoit sur sa considération, imita Portocarrero, et se prépara à se retirer en son archevêché de Séville, pour y attendre en repos la pourpre romaine, à laquelle le roi d’Espagne l’avoit nommé.

Louville eut ordre de revenir en même temps que le cardinal d’Estrées en reçut la permission. Le roi d’Espagne en eut quelque légère peine, quoiqu’il ne le vît plus en particulier. Il lui donna le gouvernement de Courtrai, qu’il perdit quelque temps après par la guerre, et une grosse pension qui ne fut pas longtemps payée. Mais il eut aussi environ cent mille francs qu’il rapporta, et dont il accommoda ses affaires. Il eut le bon esprit de n’en rien perdre de sa gaieté, d’oublier tout ce qu’il avoit été en Espagne, de vivre avec ses amis, dont il avoit beaucoup et de considérables, et de s’occuper de ses affaires et de se bâtir très agréablement à Louville.

Ainsi Mme des Ursins et Orry, maîtres de tout sans contradiction de personne, prirent le plus grand vol d’autorité et de puissance en Espagne qu’on eût vu depuis le duc de Lerme et le comte-duc d’Olivarès, et ne se servirent de Rivas que comme d’un secrétaire, en attendant de le chasser comme ils avoient éloigné tous ceux qui avoient eu le plus de part au testament de Charles II.

Le peu de François qui étoient au roi d’Espagne furent rappelés en même temps, excepté quatre ou cinq qui, de bonne heure, s’étoient attachés à la princesse des Ursins, et qui n’avoient