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inaction dans le cœur de l’empire, admira et confirma ce projet qu’il avoit peut-être fait naître. La difficulté du passage des Alpes gardées et retranchées partout, ni celle des subsistances qui pouvoit faire périr l’électeur et ses troupes comme il en fut au moment, ne parurent rien à Villars. Pour mieux faire goûter au roi un projet si insensé, il lui proposa celui d’une communication avec l’électeur par Trente, qui affranchiroit des dépenses, des difficultés et des dangers de porter par l’Allemagne des recrues, des secours et les besoins aux troupes françaises en Bavière, du moment que par Trente et le Tyrol la communication seroit ouverte en tout temps de l’armée d’Italie, jusqu’en Bavière, par où on auroit le choix de faire les grands et certains efforts en Allemagne par des détachements d’Italie, ou en Italie par ceux de l’Allemagne.

Rien toutefois n’étoit si palpablement insensé.

Par la jonction de Villars on étoit au comble des désirs qu’on avoit formés : toute l’Allemagne trembloit ; les forces ennemies étonnées, moindres que les nôtres ; un pays neuf, ouvert, point de ces places à tenir plusieurs mois comme sur le Rhin et en Flandre ; la confusion portée en Allemagne, et les princes de l’empire jetés par leur ruine, ainsi que les villes impériales, dans le repentir de leur complaisance pour l’empereur et dans la nécessité de s’en retirer ; l’empereur, dans la dernière inquiétude des succès des mécontents de Hongrie, grossis, organisés, maîtres de la haute Hongrie, et dont les contributions s’étendoient jusque autour de Presbourg. Quels autres succès pouvoient être comparables à ceux qu’on avoit lieu de se promettre dans le cœur de l’Allemagne, et pour les plus sûrs avantages, et pour forcer l’empereur d’entendre à une paix qui conservât la monarchie d’Espagne à celui qui déjà y régnoit ! En quittant ce certain pour le projet du Tyrol, outre les difficultés d’y atteindre et de s’y maintenir avec les seules forces de l’électeur, dont l’armée française auroit toujours le pays électoral