Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/128

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deux ou trois Pater sans répondre, sérieux et réfléchissant, puis dit à Maréchal : « Je veux bien que vous y alliez, mais à condition que vous y alliez tout à l’heure pour avoir du temps devant vous ; que, sous prétexte de curiosité, vous voyiez toute la maison, et les religieuses au chœur et partout où vous les pourrez voir ; que vous les fassiez causer, et que vous examiniez bien tout de très près, et que ce soir vous m’en rendiez compte. » Maréchal, encore plus étonné, fit son voyage, vit tout, et ne manqua à rien de tout ce qui lui étoit prescrit. Il fut attendu avec impatience ; le roi le demanda plusieurs fois, et le tint à son arrivée près d’une heure en questions et en récits. Maréchal fit un éloge continuel de Port- Royal ; il dit au roi que le premier mot qui lui fut dit fut pour lui demander des nouvelles de la santé du roi, et à plusieurs reprises ; qu’il n’y avoit lieu où on priât tant pour lui, dont il avoit été témoin aux offices du chœur. Il admira la charité, la patience et la pénitence qu’il y avoit remarquées ; il ajouta qu’il n’avoit jamais été en aucune maison dont la piété et la Sainteté lui eût fait autant d’impression. La fin de ce compte fut un soupir du roi, qui dit que c’étoient des Saintes qu’on avoit trop poussées, dont on n’avoit pas assez ménagé l’ignorance des faits et l’entêtement, et à l’égard desquelles on avoit été beaucoup trop loin. Voilà le sens droit et naturel, produit par un récit sans fard, d’un homme neuf et neutre, qui dit ce qu’il a vu ; et dont le roi ne se pouvoit défier, et qui eut par là toute liberté de parler ; mais le roi, vendu à la contrepartie, ne donnoit d’accès qu’à elle ; aussi cette impression fortuite du vrai fut-elle bientôt anéantie. Il ne s’en souvint plus quelques années après, lorsque le P. Tellier lui lit détruire jusqu’aux pierres et aux fondements matériels de Port-Royal, et y passer partout la charrue.

Félix avoit eu pour sa vie une petite maison dans le pare de Versailles, au bout du canal où aboutissoient toutes les eaux. Il l’avoit rendue fort jolie. Le roi la donna à la comtesse