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goût étoit exquis en tableaux, en pierreries, en meubles, en bâtiments, en jardins, et c’est lui qui a fait tout ce qu’il y a de plus beau à Saint-Cloud. Le roi, qui le traitoit bien, le consultoit souvent sur ses bâtiments et sur ses jardins, et le menoit quelquefois à Marly. Sans Mansart, qui en prit beaucoup d’inquiétude, le roi lui auroit marqué plus de confiance et de bonté. Son fils, qui portoit le nom de Nointel, fut intendant en Bretagne et fort honnête homme, que Monsieur fit faire conseiller d’État. Bechameil fit de prodigieuses dépenses à faire des beautés en cette terre en Beauvoisis. Le comte de Fiesque fit sur son entrée en ce lieu la plus plaisante chanson du monde, dont le refrain est : Vive le roi et Bechameil son favori, son favori ! dont le roi pensa mourir de rire, et le pauvre Bechameil de dépit.

Il étoit bien fait et de bonne mine, et croyoit avoir de l’air du duc de Grammont. Le comte de Grammont le voyant se promener aux Tuileries : « Voulez-vous parier, dit-il à sa compagnie, que je vais donner un coup de pied au cul à Bechameil, et qu’il m’en saura le meilleur gré du monde ?  » En effet, il l’exécuta en plein. Bechameil bien étonné se retourne, et le comte de Grammont à lui faire de grandes excuses sur ce qu’il l’a pris pour son neveu.

Bechameil fut charmé, et les deux compagnies encore davantage. Louville, peu après son retour absolu d’Espagne, épousa une fille de son fils, qui se trouva une personne très vertueuse et d’une très aimable vertu.

Le samedi 28 avril, le prince d’Auvergne fut pendu en effigie en Grève, à Paris, en vertu d’un arrêt du parlement, sur sa désertion aux ennemis, dont j’ai parlé en son temps ; et le tableau avec son inscription y demeura près de deux fois vingt-quatre heures.

Le duc Molez, Napolitain d’assez peu de chose, ambassadeur d’Espagne, c’est-à-dire de Charles II, à Vienne, et qui y étoit demeuré sans caractère et sans mission depuis la mort de son maître jusqu’à la déclaration de la guerre, qu’il