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donc pas plutôt le cardinal en disgrâce qu’ils attaquèrent la coadjutorerie au grand conseil, et donnèrent bien à courir aux Bouillon. Outre les raisons du procès, le meilleur moyen des moines étoit de persuader aux juges que le roi, mécontent de leur abbé, y prenoit part pour eux, tellement que les Bouillon voulurent se parer de leurs proches, faire effort de crédit et faire comprendre par cette assistance ouverte que le roi demeuroit neutre entre eux. Je ne pus refuser d’aller avec eux à l’entrée des juges, et les solliciter avec le duc d’Albret et l’abbé d’Auvergne, et de dire à chacun bien affirmativement que le roi n’y prenoit aucune part. Ces sollicitations durèrent ainsi que les entrées des juges, où la compagnie étoit assez nombreuse ; enfin le 30 mars l’abbé d’Auvergne gagna en plein, tout d’une voix. Ils me surent un gré infini d’avoir toujours été avec eux partout, dont plusieurs s’étoient très souvent dispensés. Je les retrouvai après bien à point dans une autre affaire où ils me servirent très utilement, et avec la dernière chaleur.

On est fort, quand on se soutient dans les familles et les parentés, et on est toujours la dupe et la proie de s’abandonner, c’est ce qui se voit et se sent tous les jours avec un dommage irréparable. L’arrêt signé, l’abbé d’Auvergne fut bien étonné de ne le pas trouver tel que tous les juges l’avoient dit, en les allant remercier. Il s’en plaignit à Vertamont, premier président ; la dispute fut forte. Les Bouillon crièrent, menacèrent de se plaindre au roi et au grand conseil. Les juges s’émurent, il fallut leur porter l’arrêt, ils le réformèrent aux hauts cris de Vertamont à qui pour l’honneur de la présidence on laissa dans l’arrêt quelque chose de ce qui n’y avoit pas été prononcé.

Montrevel ne trouva pas les fanatiques si aisés à réduire qu’il avoit cru. On leur avoit donné ce nom, parce que chaque troupe considérable de ces protestants révoltés avoit avec eux quelque prétendu prophète ou prophétesse, qui, d’intelligence avec les chefs, faisoient les inspirés et menoient