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en sortirent furent conduits à Philippsbourg. On y trouva vingt-six milliers de poudre ; mais les paysans tuèrent une infinité de maraudeurs. Vauban avoit proposé au roi de l’envoyer à Kehl, qui trouva que cela seroit au-dessous de la dignité où il venoit de l’élever ; et quoique Vauban insistât avec toute la reconnoissance, la modestie et la bonne volonté possibles, le roi ne voulut pas le lui permettre ; et peu de jours après il l’en récompensa par des entrées moindres que celles des brevets, mais plus grandes que celles de la chambre.

Barbezières, envoyé de l’armée d’Italie conférer avec l’électeur de Bavière sur divers projets, et qui étoit un excellent officier général, fort hasardeux, avec de l’esprit, et fort avant dans la confidence du duc de Vendôme, fut pris déguisé en paysan près du lac de Constance, passant pays à pied, et fut conduit à Inspruck, jeté dans un cachot, puis gardé à vue. Ne sachant comment donner de ses nouvelles, et craignant d’être pendu comme un espion, il fit le malade, et demanda un capucin à qui il tira bien fort la barbe pour voir si ce n’étoit point un moine supposé. Quand il s’en fut assuré, il essaya de le toucher et de l’engager à faire avertir M. de Vendôme de l’état misérable et périlleux où il se trouvoit. Le capucin se trouva charitable, et il le fit sans perdre de temps. Aussitôt M. de Vendôme manda au comte de Staremberg, qui commandoit l’armée impériale en l’absence du prince Eugène, qu’il feroit au commandant et à toute la garnison de Vercelli les mêmes traitements qu’on feroit à Barbezières, qu’ils savoient bien être lieutenant général des armées du roi : peut-être cela lui sauva-t-il la vie ; mais la prison fut longue et extrêmement dure, surtout d’être jour et nuit gardé à vue, pour un homme aussi vif et aussi pétulant que l’étoit Barbezières, qu’ils renvoyèrent à la fin. Parlant d’Italie, M. du Maine obtint avec grand’peine que le grand prieur allât servir sous son frère en Italie où son ancienneté le faisoit premier lieutenant général.