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potence. Mais pour que MM. de Bouillon ne pussent tirer avantage d’avoir évité le Châtelet, le premier président, avisé par ses amis les Noailles, de longue main en procès et ennemis des Bouillon, fit écrire sur les registres du parlement, que ce procès criminel avoit été directement porté à la grand’chambre, et jugé par elle et la Tournelle[1] assemblées seulement, ce qui se pratique à l’égard de tout noble accusé de crime, non par aucune distinction particulière, mais eu égard à la qualité du crime, comme on en use aussi pour celui de duel : tellement que MM. de Bouillon n’eurent que les deux potences des deux fils du comte d’Auvergne, à peu d’années de distance l’une de l’autre, sans que leur hardiesse et leur intrigue en ait pu tirer aucun fruit.

Le siège de Landau n’avançoit pas autant que le prince Louis de Bade qui le faisoit l’avoit espéré, et Mélac, gouverneur de la place, profitoit de tout pour en allonger la défense. On se repentit trop tard de n’y avoir pas pourvu à temps. On voulut le réparer. Villars eut ordre de mener un très gros détachement de l’armée de Flandre à Catinat, et celui-ci de tout tenter pour secourir la place. Lé roi des Romains y étoit arrivé pour faire à ce siège ses premières armes, et, suivant la coutume allemande, la reine son épouse l’avoit accompagné et alla tenir sa cour à Heidelberg, en attendant la fin de la campagne. Catinat et Villars cherchèrent tous les moyens possibles de pénétrer jusqu’à Landau, mais le Spirebach, de longue main bien retranché et garni du Rhin jusqu’aux montagnes, leur parut impénétrable. Ils ne trouvèrent pas plus de facilité par derrière les montagnes ; tellement qu’ils mandèrent à la cour qu’il n’y falloit pas songer. Là-dessus Catinat reçut ordre d’envoyer Villars vers Huningue avec la plus grande partie de son

  1. La Tournelle étoit une chambre criminelle du parlement de Paris, qui tiroit soninom de ce que les membres qui la composoient étoient fournis à tour de rôle par les autres chambres du parlement de Paris.