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si vifs et un regard si perçant, si haut et pourtant doux, et toute une physionomie qui pétilloit tellement d’esprit et de grâce, qu’à peine le trouvoit-on laid. Il s’étoit démis une hanche d’une chute qu’il fit du rempart de Luxembourg en bas, où il commandoit alors, qui ne fut jamais bien remise et qui le fit demeurer fort boiteux et fort vilainement, parce que c’étoit en arrière ; naturellement gai, et aimant à s’amuser.

Il prenoit autant de tabac que le maréchal d’Huxelles, mais non pas si salement que lui, dont l’habit et la cravate en étoient toujours couverts. Le roi haïssait fort le tabac. Harcourt s’aperçut, en lui parlant souvent, que son tabac lui faisoit peine ; il craignit que cette répugnance n’éloignât ses desseins et ses espérances. Il quitta le tabac tout d’un coup ; on attribua à cela les apoplexies qu’il eut dans la suite, et qui lui causèrent une terrible fin de vie.

Les médecins lui en firent reprendre l’usage pour rappeler les humeurs à leur ancien cours, et les détourner de celui qu’elles avoient pris, mais il étoit trop tard ; l’interruption avoit été trop longue, et le retour au tabac ne lui servit de rien. Je me suis étendu sur ces dix maréchaux de France ; le mérite de quelques-uns m’y a convié, mais plus encore la nécessité de faire connoître des personnages qu’on verra beaucoup figurer en plus d’une façon, comme les maréchaux d’Estrées, d’Huxelles, de Tessé, de Tallard et d’Harcourt. Reprenons maintenant le courant.