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personne par la charge de grand inquisiteur ; tellement qu’encouragé par l’exil de la reine qu’il venoit d’emporter, il s’aventura d’exposer l’autorité naissante du roi en lui demandant l’exil du grand inquisiteur. M. d’Harcourt, son ami, et qui le connoissoit bien, n’eut garde de s’opposer à un désir si ardent et si causé ; et quoique le roi eût déclaré qu’il ne disposeroit d’aucune chose, ni petite ni considérable, qu’après son arrivée à Madrid, de l’avis de M. d’Harcourt, il envoya au cardinal l’ordre qu’il demandoit par son même courrier. Mendoze, qui sentit bien d’où le coup lui venoit, balança tout un jour entre demeurer et obéir. En demeurant, il eût fort embarrassé par l’autorité et les ressorts de sa place, et le nombre de gens considérables attachés à là reine. Mais il prit enfin le partir d’obéir, et combla de joie la vanité et la vengeance du cardinal, qui, enhardi par ces deux grands coups, en fit un troisième : ce fut un ordre qu’il obtint du roi, qui approchoit déjà de Madrid, au comte d’Oropesa de demeurer dans son exil. Il étoit premier ministre et président du conseil de Castille. Il y avoit deux ans que Charles II l’y avoit envoyé sur une furieuse sédition que le manque de pain et de vivres avoit causée à Madrid qui fit grande peur à ce prince, et dont la faute fut imputée au premier ministre. Puisque je me trouve ici en pleine Espagne, et qu’il est curieux de la connoître un peu à cet avènement de la branche de France, et qu’il sera souvent mention de ce pays dans la suite, je m’y espacerai un peu à droite et à gauche en parlant de ce qu’il s’y passa à l’arrivée du nouveau roi.

Oropesa étoit de la maison de Bragance[1] et l’aîné des trois branches de cette maison établies et restées en Espagne. Le

  1. Ce passage, jusqu’à la p. 97 (L’Espagne est partagée tout entière), a été supprimé dans les précédentes éditions des Mémoires de Saint-Simon. Il est cependant nécessaire, puisque Saint-Simon s’y réfère à l’époque de son ambassade en Espagne « On a tâché d’expliquer, dit-il (t. XIX, p. 292 de l’édition Sautelet), les branches royales de Portugal : Oropesa, Lemos, Veragua, Cadaval, etc. Ainsi je n’em ferai point de redites. »