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plus, qui, sans paroître, avoit toute la confiance de Mme de Maintenon, et étoit extrêmement crainte et comptée, plus encore que son mari, quoiqu’il le fût beaucoup. Il avoit plus de quatre-vingts ans, avec le même sens, la même privance du roi, la même pleine autorité sur sa nation en France, et grand crédit en Suisse. Sa mort rendit M. du Maine effectivement colonel général des Suisses avec pleine autorité, qu’il sut étendre en même temps sur ce qu’il n’avoit pu encore atteindre dans l’artillerie avec M. de Barbezieux.

La mort d’un plus grand seigneur fit moins de bruit et de vide. Ce fut celle de M. de Monaco, ambassadeur à Rome, qui y fut peu regretté, comme il y avoit été peu considéré ; [il avoit] très médiocrement soutenu les affaires du roi, et [été] très peu soutenu de la cour. On en a vu les raisons. C’étoit un Italien glorieux, fantasque, avare, fort bon homme, mais qui n’étoit pas fait pour les affaires, avec cela gros comme un muid, et ne voyoit pas jusqu’à la pointe de son ventre. Il avoit passé sa vie en chagrins domestiques, d’abord de la belle Mme de Monaco, sa femme, si amie de la première femme de Monsieur, et si mêlée dans ses galanteries, et elle-même si galante et qui, pour se tirer d’avec son mari, se fit surintendante de la maison de Madame, la seule fille de France qui en ait jamais eu. Elle étoit sœur de ce galant comte de Guiche et du duc de Grammont. Sa belle-fille ne lui avoit pas donné moins de peine, comme on a vu ici en son temps, et le rang qu’elle lui avoit valu le jeta dans des prétentions dont pas une ne réussit, et qui l’accablèrent d’ennuis et de dégoûts qui portèrent à plomb sur les affaires de son ambassade.

Bontems, le premier des quatre premiers valets de chambre du roi, et gouverneur de Versailles et de Marly, dont il avoit l’entière administration des maisons, des chasses et de quantité de sortes de dépenses, mourut aussi en ce temps-là. C’étoit de tous les valets intérieurs celui qui avoit la plus ancienne et la plus entière confiance du roi pour toutes les