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Sur la fin de sa vie, il avoit marié sa petite-fille fort riche, et qui attendoit encore de plus grands biens de lui, à Portail, qui longtemps depuis est mort premier président du parlement de Paris. Le mariage ne fut point concordant ; la jeune épouse, qui se sentoit riche parti, méprisoit son mari, et disoit qu’au lieu d’entrer en quelque bonne maison elle étoit demeurée au portail. À la fin, le père, vieux conseiller de grand’chambre, et le fils firent leurs plaintes au bonhomme, d’abord il n’en tint pas grand compte, et comme elles recommencèrent il leur promit de parler à sa petite-fille et n’en fit rien. À la fin, lassé de ces plaintes : « Vous avez toute raison, leur répondit-il en colère, c’est une impertinente, une coquine dont on ne peut venir à bout, et si j’entends encore parler d’elle, je l’ai résolu, je la déshériterai. » Ce fut la fin des plaintes. Rose étoit un petit homme ni gras ni maigre, avec un assez beau visage, une physionomie fine, des yeux perçants et pétillants d’esprit, un petit manteau, une calotte de satin sur ses cheveux presque blancs, un petit rabat uni presque d’abbé, et toujours son mouchoir entre son habit et sa veste. Il disoit qu’il étoit là plus près de son nez. Il m’avoit pris en amitié, se moquoit très librement des princes étrangers, de leurs rangs, de leurs prétentions, et appeloit toujours les ducs avec qui il étoit familier Votre Altesse Ducale : c’étoit pour rire de ces autres prétendues Altesses. Il était extrêmement propre et gaillard et plein de sens jusqu’à la fin : c’étoit une sorte de personnage.

Stoppa, colonel des gardes suisses et d’un autre régiment suisse de son nom, mourut en même temps. Il avoit amassé un bien immense pour un homme de son état, avec une grosse maison pourtant et toujours grande chère. Il avoit toute la confiance du roi sur ce qui regardoit les troupes suisses et les cantons, au point que tant qu’il vécut, M. du Maine n’y put et n’y fit aucune chose. Le roi s’étoit servi de lui en beaucoup de choses secrètes, et de sa femme encore