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ce qui s’est passé dont je n’ai pas voulu interrompre une suite si curieuse et si intéressante.

Cependant on avoit appris que la nouvelle de l’acceptation du testament avoit causé à Madrid la plus extrême joie, aux acclamations de laquelle le nouveau roi Philippe V avoit été proclamé à Madrid, où les seigneurs, le bourgeois et le peuple donnoient tous les jours quelque marque nouvelle de leur haine pour les Allemands et pour la reine que presque tout son service avoit abandonnée, et à qui on refusoit les choses les plus ordinaires de son entretien. On apprit par un autre courrier de Naples dépêché par le duc de Medina-Celi, vice-roi, que le roi d’Espagne y avoit été reconnu et proclamé avec la même joie ; il le fut de même en Sicile et en Sardaigne.

Quelque temps auparavant, il étoit arrivé une aventure assez désagréable à Rome pour ce beau M. Vaïni, à qui la bassesse de donner l’altesse au cardinal de Bouillon avoit valu l’ordre sans que le roi s’en fût douté. Sa naissance était très commune, son mérite ne la relevoit pas, et ses affaires délabrées étoient en prise à des créanciers de mauvaise humeur qui lui lâchèrent des sbires aux trousses pour l’arrêter, n’osant pas trop faire exécuter ses meubles, parce que les armes du roi étoient sur la porte de son palais, car tout est palais en Italie et il ne s’y parle point de maison. Vaïni attaqué se battit en retraite, et fut poursuivi jusque chez lui, où M. de Monaco, averti de cette bagarre, accourut lui-même, et dit au commandant des sbires de se retirer d’un palais qui n’étoit plus celui de Vaïni, mais le sien à lui, ambassadeur, puisqu’il y étoit présent. Le commandant voulut se retirer, mais quelques sbires n’obéissant pas, des gentilshommes de la suite de M. de Monaco les chassèrent à coups d’épée, lui leur recommandant de n’en point blesser. Des sbires qui étoient dans la rue, voyant qu’on chassoit ainsi leurs camarades, firent une décharge qui blessa quelques domestiques de M. de Monaco, et qui blessa à mort le