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III. Mort de Madame.


Pages 180 et suivantes.

Saint-Simon dit que personne n’a douté que Madame (Henriette d’Angleterre, première femme du frère de Louis XIV) n’eût été empoisonnée et même grossièrement. Il raconte, dans la suite du chapitre, les détails de ce prétendu empoisonnement. Il est de l’équité historique de ne pas oublier les témoignages opposés. Nous ne pouvons que les indiquer rapidement, mais cette note suffira pour prouver que le doute est, au moins, permis. On y verra aussi que Saint-Simon a eu tort d’affirmer, comme il le fait p. 225, que Madame étoit alors d’une très bonne santé.

Presque tous les contemporains, de la mort de Madame, arrivée en 1670, cinq ans avant la naissance de Saint-Simon, attestent que cette princesse mourut des suites d’une imprudence qui brisa sa constitution, depuis longtemps débile et profondément altérée. Les médecins, dont nous avons les rapports, s’étonnèrent qu’elle n’eût pas succombé plus tôt aux vices de son organisation, qu’aggravoit encore un mauvais régime. Ils appellent cholera-morbus la maladie qui l’emporta en quelques heures. Valot, premier médecin du roi, soutenoit que, depuis trois ou quatre ans, elle ne vivoit que par miracle. Ce sont les paroles mêmes de la dépêche adressée par Hugues de Lyonne à l’ambassadeur de France en Angleterre[1]. Le témoignage des médecins qui furent chargés de faire l’ouverture du corps de Madame et de rechercher les causes de sa mort fut unanime. Ils déclarèrent qu’il n’y avoit point eu d’empoisonnement, sans quoi l’estomac en auroit porté des traces, tandis qu’on le trouva en état excellent.

Si l’attestation officielle des médecins et des ministres paroît suspecte, on ne peut rejeter le témoignage de contemporains désintéressés. Mademoiselle[2] répète la déclaration des médecins : « Sur les bruits que je viens de dire, l’on fit assembler tous les médecins du roi, de feu Madame et de Monsieur, quelques-uns de Paris, celui de l’ambassadeur d’Angleterre, avec tous les habiles chirurgiens qui ouvrirent Madame. Ils lui trouvèrent les parties nobles bien saines

  1. Voy., cette dépêche et plusieurs autres où il est question du même événement dans les Négociations relatives à la succession d’Espagne, publiées par M. Mignet, t. III, p. 207 et suiv. (Docum. inédits relatifs à l’hist. de France).
  2. Mémoires de Mademoiselle, à l’année 1670.