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lèse-majesté, de piraterie, de rébellion et d’intelligence avec les Anglois. Le parlement de Bordeaux s’opposa à la juridiction de l’intendant, et rendit, le 5 mai, un arrêt, par lequel il fit défense à Servien et à tous les autres officiers du roi de prendre la qualité d'intendants de justice et police en Guyenne, et d’exercer, dans le ressort de la cour, aucune commission, sans au préalable l’avoir fait signifier et enregistrer au parlement. Servien n’en continua pas moins l’instruction du procès. Alors intervint un nouvel arrêt du parlement de Bordeaux, en date du 17 mai 1628, portant que Servien et le procureur du roi de l’amirauté de Languedoc seroient assignés à comparaître en personne, pour répondre aux conclusions du procureur général. Ce nouvel arrêt n’eut pas plus d’effet que le précédent. Le 9 juin, le parlement de Bordeaux en, rendit un troisième, portant que « certaine ordonnance du sieur Servien, rendue en exécution de son jugement, seroit lacérée et brûlée par l’exécuteur de la haute justice, et lui pris au corps, ses biens saisis et annotés, et qu’où il ne pourroit être appréhendé, il seroit assigné au poteau. » Le conseil du roi cassa ces trois arrêts comme attentatoires à l’autorité royale, et ceux qui les avoient signés furent cités à comparaître devant le roi, pour rendre compte de leur conduite.

À Paris, les parlements firent retentir leurs plaintes jusque dans l’assemblée des notables. Ils disoient au roi [1] en 1626 : « Reçoivent vos parlements grand préjudice d’un nouvel usage d’intendants de justice, qui sont envoyés ès ressort et étendue desdits parlements près MM. les gouverneurs et lieutenants généraux de Votre Majesté en ces provinces, ou qui, sur autres sujets, résident en ficelles plusieurs années, fonctions qu’ils veulent tenir à vie ; ce qui est, sans édit, tenir un chef et officier supernuméraire de justice créé sans payer finance, exauctorant (abaissant) les chefs des compagnies subalternes, surchargeant vos finances d’appointements, formant une espèce de justice, faisant appeler les parties en vertu de leurs mandements et tenant greffiers, dont surviennent divers inconvénients, et, entre autres, de soustraire de la juridiction, censure et vigilance de vos parlements, les officiers des sénéchaussées, bailliages, prévôtés et autres juges subalternes. Ils prennent encore connoissance de divers faits, dont ils attirent à votre conseil les appellations au préjudice de la juridiction ordinaire de vos parlements. C’est pourquoi Votre Majesté est très humblement suppliée de les révoquer, et que telles fonctions ne soient désormais faites sous prétexte d’intendance ou autrement, sauf et sans préjudice du pouvoir attribué par les ordonnances aux maîtres des requêtes de votre hôtel faisant leurs chevauchées dans les provinces, tant

  1. Ces doléances des parlements se trouvent dans un manuscrit de la Bibliothèque de l’Université, H, I, 8, fol. 205.