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pas avec assiduité. J’eus lieu de croire que M. et Mme du Maine avoient formé le projet de me gagner ; ils n’ignoroient pas combien leur rang me déplaisoit. Par moi-même je n’étois rien moins qu’à craindre ; mais la politique qui, dans l’inquiétude de ce qui peut arriver, cherche à tout gagner, leur persuada, je pense, de s’ôter en moi une épine qui pourroit peut-être les piquer un jour. Ils se mirent sur mes louanges avec ma femme et ma belle-sœur, ils leur témoignèrent le désir qu’ils avoient de me voir à Sceaux, enfin ils leur proposèrent tantôt à l’une tantôt à l’autre de m’y amener, et les pressèrent de m’en convier de leur part.

Surpris d’une chose si peu attendue de la part de gens avec qui je n’avois jamais eu le moindre commerce, je me doutai de ce qui les conduisoit, et cela même me tint sur mes gardes. Je ne pouvois m’accommoder de ce rang nouveau ; je sentois en moi-même un désir de le voir éteindre, qui me donnoit celui de pouvoir y contribuer un jour ; je le sentois tel à n’y pouvoir résister. Comment donc lier un commerce et se défendre de le tourner en amitié, avec des gens qui me faisoient tant d’avances, et en apparence si gratuites, en situation de me raccommoder avec le roi, et que tout me faisoit sentir qu’ils se vouloient acquérir sur moi des obligations à m’attacher à eux, et comment céder à leur amitié et se soumettre à en recevoir des marques, en conservant cette aversion de leur, rang et cette résolution de le faire renverser si jamais cela se trouvoit possible ? La probité, la droiture rie se pouvoit accommoder de cette duplicité. J’eus beau me sonder, réfléchir sur ma situation présente, nulle faveur ne m’étoit comparable à consentir à la durée de ce rang et à renoncer à l’espérance de travailler à m’en délivrer. Je demeurai donc ferme dans mes compliments et mes refuites. Je tins bon contre les messages en forme qu’ils m’envoyèrent, contre les reproches les plus désireux que m’en fit Mme du plaine, à qui jamais je n’avois