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sous Mgr le duc de Bourgogne, où le marquis de Bedmar commanda les troupes d’Espagne. Le maréchal d’Estrées fut envoyé en Bretagne ; et Chamillart, ami de Chamilly, ou plutôt leurs deux femmes, prit occasion de l’oisiveté où on le laissoit avec injustice, pour le remettre à flot, et lui procura le commandement de la Rochelle et des provinces voisines jusqu’au Poitou inclus, chacun avec quelques officiers généraux sous eux. Beuvron et Matignon allèrent en Normandie.

Pour l’armée du Rhin, il fallut avoir recours à Catinat. Il étoit presque toujours depuis son retour d’Italie à sa petite maison de Saint-Gratien, par delà Saint- Denis, où il ne voyoit que sa famille et ses amis particuliers en très petit nombre, portant l’injustice avec sagesse et le peu de compte qu’on avoit tenu de lui depuis son retour d’Italie. Chamillart lui manda, qu’il avoit ordre du roi de l’entretenir. Catinat vint chez lui à Paris ; il y apprit sa destination ; il s’en défendit ; la dispute fut longue ; il ne se rendit qu’avec une extrême peine et par la nécessité seule de l’obéissance. Le lendemain matin, 11 mars, il se trouva à la fin du lever du roi, qui le fit entrer dans son cabinet. La conversation fut amiable de la part du roi, sérieuse et respectueuse de celle de Catinat. Le roi, qui s’en aperçut bien, le voulut ouvrir davantage, lui parla d’Italie et le pressa de s’expliquer avec lui à cœur ouvert de ce qu’il s’y était passé. Catinat s’en excusa, répondit que c’étoient toutes choses passées, très inutiles maintenant à son service, uniquement bonnes à lui donner mauvaise opinion de gens dont il avoit paru qu’il aimoit à se servir, et au reste à nourrir les inimitiés éternelles. Le roi admira cette sagesse et cette vertu, mais il voulut néanmoins approfondir certaines choses, tant par rapport à. justifier son propre mécontentement du maréchal que pour démêler qui de lui ou de son ministre avoit eu tort, pour les rapprocher ensuite dans la nécessité du commerce que le commandement de l’armée leur alloit donner