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sortir le reste de ses jours. Il fut chancelier de l’ordre sur la démission de son frère en 1659.

Carlingford, milord irlandois, qui avoit été gouverneur de M. de Lorraine de la main de l’empereur, à qui il étoit fort attaché, avoit suivi son pupille dans ses États à la paix de Ryswick ; il étoit grand maître de sa maison et à la tête de son conseil. Devenu feld-maréchal de l’empereur, il désira retourner à Vienne.

M. le Grand, qui avoit beaucoup d’enfants et peu de patrimoine, trouva jointure à mettre le prince Camille à la place de Carlingford pour la charge et pour de plus fortes pensions encore. Il le fit trouver bon au roi, et le prince Camille s’alla fixer en Lorraine, où il ne fut pas plus goûté qu’il l’étoit ici.

C’étoit un homme de peu d’esprit, fort glorieux, particulier, qui avala toute sa vie beaucoup de vin fort tristement ; une espèce de fagot d’épine, mais ruminant toujours à part soi la grandeur de sa maison, et qui n’avoit des Guise, qu’il regrettoit, que la valeur et la volonté. Il avoit toujours servi et n’étoit point marié, du reste honnête homme.

Saint-Pouange fit un grand mariage pour son fils avec la fille unique de Sourdis, chevalier de l’ordre, dont il avoit toute sa vie été ami intime. La débauche les avoit unis, et cette amitié suppléa au mérite pour l’avancement.

Sourdis se fit battre auprès de Neuss avec tant d’ignorance, et s’en tira si honteusement à l’ouverture de la guerre précédente, en 1689, que M. de Louvois, n’osant plus l’employer dans les armées, mais pressé par Saint- Pouange, l’envoya commander en Guyenne. Il s’y conduisit avec tant de crapule, et si misérablement d’ailleurs, qu’il ne put y être soutenu davantage.

Le commandement de la province lui fut ôté, et un successeur envoyé à sa place. Sourdis, enchanté de sa maîtresse à soixante-dix ans, ne put quitter Bordeaux parce qu’elle y vouloit demeurer, et y survécut ainsi à lui-même. À la fin la honte de sa vie obligea à l’en faire sortir. Il ne put s’en éloigner et se confina dans une de ses terres en Guyenne.