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M. de Beauvilliers auroit l’autorité dans tout le voyage sur les princes et les courtisans, et le commandement seul sur les gardes ; les troupes, les officiers et la suite, et qu’il régleroit, disposeroit seul de toutes choses. Le maréchal-duc de Noailles lui fut joint, non pour se mêler, ni ordonner de quoi que ce soit en sa présence, quoique maréchal de France et capitaine des gardes du corps, mais pour le suppléer en tout en cas de maladie ou d’absence du lieu où seroient les princes. Toute la jeunesse de la cour, de l’âge à peu près des princes, eut permission de faire le voyage, et beaucoup y allèrent ou entre eux ou dans les carrosses de suite. On sut encore que de Saint-Jean de Luz, après la séparation, les deux princes iraient voir la Provence et le Languedoc, passant par un coin du Dauphiné ; qu’ils reviendroient par Lyon, et que le voyage seroit de quatre mois. Cent vingt gardes sous Vaudreuil, lieutenant, et Montesson, enseigne, avec des exempts, furent commandés pour les suivre, et MM. de Beauvilliers et de Noailles eurent chacun cinquante mille livres pour leur voyage.

Monseigneur, qui savoit l’heure que le roi s’étoit réglée pour la déclaration du roi d’Espagne, l’apprit à ceux qui étoient à Meudon ; et Monsieur, qui en eut le secret en partant de Fontainebleau, se mit sous sa pendule dans l’impatience de l’annoncer, et quelques minutes avant l’heure ne put s’empêcher de dire à sa cour qu’elle alloit apprendre une grande nouvelle, qu’il leur dit, dès que l’aiguille arrivée sur l’heure le lui permit. Dès le vendredi précédent, Mgr le duc de Bourgogne, M. le duc d’Anjou et l’ambassadeur d’Espagne le surent, et en gardèrent si bien le secret qu’il n’en transpira rien à leur air ni à leurs manières. Mme la duchesse de Bourgogne le sut en arrivant de Fontainebleau, et M. le duc de Berry le lundi matin. Leur joie fut extrême, quoique mêlée de l’amertume de se séparer ; ils étoient tendrement unis, et si la vivacité et l’enfance excitoient quelquefois de petites riottes entre le premier et le