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fort utilement, mais ce ne fut pas pour rien. Il avoit stipulé l’archevêché de Besançon, et en effet, après la seconde conquête, il y fut nommé. Le pape ne put se résoudre à lui donner des bulles, il se récria au meurtre, à l’apostasie, à la circoncision. Le roi entra dans les raisons du pape, et il capitula avec l’abbé de Vatteville, qui se contenta de l’abbaye de Baume, la deuxième, de Franche-Comté, d’une autre bonne en Picardie, et de divers autres avantages.

Il vécut depuis dans son abbaye de Baume, partie dans ses terres, quelquefois à Besançon, rarement à Paris et à la cour ; où il étoit toujours reçu avec distinction.

Il avoit partout beaucoup d’équipage, grande chère, une belle meute, grande table et bonne compagnie. Il ne se contraignoit point sur les demoiselles, et vivoit non seulement en grand seigneur et fort craint et respecté, mais à l’ancienne mode, tyrannisant fort ses terres, celles de ses abbayes, et quelquefois ses voisins, surtout chez lui très absolu. Les intendants plioient les épaules ; et, par ordre exprès de la cour, tant qu’il vécut, le laissoient faire et n’osaient le choquer en rien, ni sur les impositions, qu’il régloit à peu près comme bon lui sembloit dans toutes ses dépendances, ni sur ses entreprises, assez souvent violentes. Avec ces mœurs et ce maintien qui se faisoit craindre et respecter, il se plaisoit à aller quelquefois voir les chartreux, pour se gaudir d’avoir quitté leur froc. Il jouoit fort bien à l’hombre, et y gagnoit si souvent codille[1], que le nom d’abbé Codille lui en resta. Il vécut de la sorte, et toujours dans la même licence et dans la même considération, jusqu’à près de quatre-vingt-dix ans. Le petit-fils de son frère a, longues années depuis, épousé une sœur de M. de Maurepas, du second lit.

Villars, aux portes de la fortune, fit un riche mariage. Il épousa Mlle de Varangeville, belle et de fort grand air, sœur

  1. Gagner codille, locution du jeu d’hombre, signifiait gagner sans avoir fait jouer.