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pouvoit mourir en repos sur le prince de Galles, et qu’il le reconnoîtroit roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande.

Le peu d’Anglois qui se trouvèrent présents se jetèrent à ses genoux, mais le roi d’Angleterre ne donna pas signe de vie. Aussitôt après, le roi passa chez la reine d’Angleterre, à qui il donna la même assurance. Ils envoyèrent chercher le prince de Galles, à qui ils le dirent. On peut juger de la reconnoissance et des expressions de la mère et du fils. Revenu à Marly, le roi déclara à toute la cour ce qu’il venoit de faire. Ce ne fut qu’applaudissements et que louanges.

Le champ en étoit beau, mais les réflexions ne furent pas moins promptes, si elles furent moins publiques. Le roi espéroit toujours que sa conduite si mesurée en Flandre, le renvoi des garnisons hollandaises, l’inaction de ses troupes, lorsqu’elles pouvoient tout envahir, et que rien n’y étoit en état de s’opposer à elles, retiendroient la Hollande et l’Angleterre, dont la première étoit si parfaitement dépendante, de rompre en faveur de la maison d’Autriche. C’étoit alors pousser cette espérance bien loin ; mais le roi s’en flattoit encore, et par là de terminer bientôt la guerre d’Italie, et toute l’affaire de la succession d’Espagne et de ses vastes dépendances, que l’empereur ne pouvoit disputer avec ses seules forces, et celles même de l’empire. Rien n’étoit donc plus contradictoire à cette position, et à la reconnoissance qu’il avoit solennellement faite, à la paix de Ryswick, du prince d’Orange comme roi d’Angleterre, et que jusqu’alors il n’avoit pas moins solennellement exécutée. C’étoit offenser sa personne par l’endroit le plus sensible, et toute l’Angleterre avec lui, et la Hollande à sa suite ; c’étoit montrer le peu de fond qu’ils avoient à faire sur ce traité de paix, leur donner beau jeu à rassembler avec eux tous les princes qui y avoient contracté sous leur alliance, et de rompre ouvertement sur leur propre fait, indépendamment de celui de la maison d’Autriche. À l’égard du prince de Galles, cette reconnoissance ne lui donnoit rien de solide ; elle réveilloit seulement