Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/330

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et de la chambre des comptes, en un mot, que ces lettres patentes enregistrées soient envoyées en Espagne, pour y être à leur tour approuvées, ratifiées et enregistrées par le conseil de Castille, qui, ayant fait la première opération par l’enregistrement de l’érection, fait aussi la dernière par l’enregistrement de ces lettres patentes, et de leur enregistrement en France.

Ainsi un grand d’Espagne françois fait au roi un nouvel hommage d’une terre érigée par un roi étranger en dignité étrangère, duquel, à ce titre, il devient vassal immédiat, pour ne pas dire sujet, et se trouve avoir deux rois et deux seigneurs suzerains et souverains pour la même terre, il doit donc à l’un et à l’autre le service des armes. Que deviendra-t-il donc si ces deux rois viennent à se faire la guerre, comme il est déjà arrivé, et que deviendroient-ils encore si, à ce qu’à Dieu ne plaise, le cas funeste des renonciations arrivoit ? En voilà trop sur cette matière, mais qu’il étoit bon et curieux de tirer une bonne fois de l’obscurité, de l’ignorance, et de montrer aux François qui admirent tout ce qui est étranger, qui s’en éblouissent, et qui d’ailleurs se laissent aller au torrent de la plus fausse et de la plus folle jalousie, ce que c’est en effet que la dignité des pairs de France, des ducs vérifiés de France, et des trois classes des grands d’Espagne par rapport de l’une à l’autre, ainsi que l’incroyable abus des rangs étrangers en France, des grandesses qui s’y sont érigées, et des François habitant en France faits grands d’Espagne. J’ai regret à la longueur de la digression, mais il n’étoit pas possible de la faire plus courte sans omettre des parties essentielles des connoissances nécessaires à y donner. Revenons maintenant d’où nous sommes partis.