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des Indes, et pour toutes les deux à donner le branle, le poids et avec le temps le ton à toutes les affaires de l’Europe ; que cet intérêt étoit si grand et si palpable, et le occasions de division entre les deux rois de même sang si médiocres en eux-mêmes et si anéanties en comparaison de ceux-là, qu’il n’y avoit point de division raisonnable à en craindre. Qu’il y a voit à espérer que le roi vivroit assez longtemps non seulement pour l’établir, et Monseigneur, après lui, entre ses deux fils, qu’il n’y avoit pas moins lier d’en espérer la continuation dans les deux frères si unis et si affermis de longue main dans ces principes, qu’ils feroient passer aux cousins germains, ce qui montroit déjà une longue suite d’années ; qu’enfin si le malheur venoit assez à surmonter toute raison pour faire naître des guerres, il falloit toujours qu’il y eût un roi d’Espagne, et qu’une guerre se pousseroit moins et se termineroit toujours plus aisément et plus heureusement avec un roi de même sang, qu’avec un étranger et de la maison d’Autriche.

Après cet exposé, le chancelier vint à ce qui regardoit la rupture du traité de partage. Après en avoir remis le frauduleux, le captieux, le dangereux, il prétendit que la face des choses, entièrement changée du temps auquel il avoit été signé, mettoit de plein droit le roi en liberté, sans pouvoir être accusé de manquer de foi ; que par ce traité il ne s’étoit engagé qu’à ce qu’il portoit ; qu’on n’y trouveroit point de stipulation d’aucun refus de ce qui seroit donné pas la volonté du roi d’Espagne, et volonté pure, sans sollicitation, et même à l’insu du roi, et de ce qui seroit offert par le vœu universel de tous les seigneurs et les peuples d’Espagne ; que le premier étoit arrivé, que le second alloit suivre, selon toute apparence ; que le refuser contre tout intérêt, comme il croyoit l’avoir démontré, attireroit moins la confiance avec qui le traité de partage avoit été signé, que leur mépris, que la persuasion d’une impuissance qui les enhardiroit à essayer de dépouiller bientôt la France de ce