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falloit qu’appeler à nous-mêmes qui avions été plus de trente ans en guerre avec l’Espagne, et toujours en état de prendre les places et les ports de cette province, puisque le roi avoit bien conquis celles de Flandre, de la Meuse et du Rhin. Mais que la stérilité affreuse d’un vaste pays, et la difficulté des Pyrénées avoient toujours détourné la guerre de ce côté-là, et permis même dans leur plus fort une sorte de commerce entre les deux frontières sous prétexte de tolérance sans qu’il s’y fit jamais commis aucune hostilité. Qu’enfin les places de la côte de Toscane seroient toujours en prise du souverain du Milanois qui pouvoit faire ses préparatifs à son aise et en secret, tomber, dessus subitement et de plain-pied, et s’en être emparé avant l’arrivée d’un secours par mer qui ne pouvoit partir que des ports de Provence. Que pour ce qui étoit du danger d’avoir les rois d’Espagne françois pour ennemis, comme ceux de la maison d’Autriche, cette identité ne pouvoit jamais avoir lieu, puisqu’au moins n’étant pas de cette maison, mais de celle de France, tout ce qui ne seroit pas l’intérêt même d’Espagne ne seroit jamais le leur, comme au contraire, dès qu’il y auroit identité de maison, il y auroit identité d’intérêts, dont, pour ne parler maintenant que de l’extérieur, l’abaissement de l’empereur et la diminution du commerce et de l’accroissement des colonies des Anglois et des Hollandois aux Indes, feroit toujours un tel intérêt commun qu’il domineroit tous les autres. Que pour l’intérieur, il n’y avoit qu’à prendre exemple sur la maison d’Autriche, que rien n’avoit pu diviser depuis Charles V, quoique si souvent pleine de riottes[1] domestiques. Que le désir de s’étendre en Flandre étoit un point que le moindre grain de sagesse et de politique feroit toujours céder à tout ce que l’union de deux si puissantes monarchies et si contiguës partout pouvoit opérer, qui n’alloit à rien moins pour la nôtre qu’à s’enrichir par le commerce

  1. Querelles.