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du rang des grands d’Espagne. Je n’y entamerai rien d’étranger qu’autant qu’il sera nécessaire pour les mieux expliquer.

Madrid est une belle et grande ville, dont la situation inégale et souvent en pentes fort roides, a peut-être donné lieu aux sortes de distinctions dont je vais parler.

J’ai déjà dit que personne, sans exception, hors le roi, la reine, les infants et le grand écuyer dans les équipages du roi, ne peut aller à plus de quatre mules dans la ville, mules ou chevaux c’est de même ; mais presque personne ne s’y sert de chevaux pour les carrosses. Si on va ou si on revient de la campagne, on envoie à la porte de la ville deux ou quatre mules attendre, qu’on y prend et qu’on y laisse de même lorsqu’on y rentre. Le commun et peu au-dessus ne peut aller qu’à deux mules, l’étage d’au-dessus à quatre mules, mais sans postillon. Les titulados et plusieurs sortes d’emplois ont un postillon ; mais rien n’est plus réglé que ces manières d’aller, et personne ne peut empiéter au delà de ce qui lui appartient. Ce grand nombre de personnes qui ont des postillons a peut-être été cause d’une autre sorte de distinction : c’est d’avoir des traits de corde très vilains pour toutes conditions, mais qui sont courts pour les moindres de ceux qui ont un postillon ; longs pour l’étage supérieur, et très longs pour les grands, lés cardinaux et les ambassadeurs, et fort peu d’autres, comme les conseillers d’État, les chefs des conseils, et, je crois, les chevaliers de la Toison, etc. ; encore ne les ontils pas si longs que les grands. C’est uniquement à la qualité de l’attelage qu’on reconnoît la qualité des personnes que l’on rencontre dans les rues, et cela s’aperçoit très distinctement, et les cochers ont une adresse qui me surprenoit toujours à tourner court et dans les lieux les plus étroits, sans jamais empêtrer ni embarrasser leurs traits les plus longs. Je n’ai point vu que les cochers des grands les menassent tête nue, sinon en cérémonie, comme à une couverture, ou quelque autre semblable ;