Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pour les doubles adultérins, ils demeurent dans toute l’Espagne dans une entière obscurité, faute de ne pouvoir nommer leur mère, et d’avoir trouvé un jurisconsulte comme Harlay, lors procureur général du parlement de Paris, qui ait appris à faire reconnoître des enfants sans mère. Quels que soient ces restes de mœurs, morisques [1] qui infectent encore l’Espagne, elles n’y vont pas jusqu’à connoître ceux-ci, pour lesquels toute l’horreur et le néant dû à la naissance illégitime s’est rassemblé sur les doubles adultérins, dont la monstrueuse espèce ne peut être censée[2] dans aucune sorte d’existence.

Les exemples des don Juan, bâtards de filles et de leurs rois, confirment ce que je viens d’expliquer, et qui s’entendra et s’expliquera mieux encore par là, en se souvenant que ceux des particuliers ont les mêmes droits, proportion gardée, qui est ce qui élève tant ceux des grands, et qui met ceux des rois comme au niveau des princes légitimes.

Ramassons en deux mots ce qui vient d’être expliqué de l’essence de la dignité de grand d’Espagne.

Nulle mention d’elle avant Charles-Quint.

Ricos-hombres, ou puissants hommes qui étoient grands et immédiats feudataires des divers royaumes des Espagnes avec droit de bannière et de chaudière, y étoient la seule dignité connue jusqu’à nous, parloient couverts à leurs rois, et se mêloient des grandes affaires. Si à titre de droit ou de puissance, d’usage ou de concession ; si de succession ou de besoin que les rois avoient d’eux, obscurité entière. Pareille obscurité sur leurs autres prérogatives et fonctions.

Se multiplièrent cadets, même collatéraux par femmes, et de femmes en femmes, par mérite, après service ou besoin, enfin par grandes charges, sans posséder ces grands

  1. Mœurs morisques ou mœurs arabesques, des Maures.
  2. Comptée.