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vice-roi du Mexique, sous le commencement du règne de Philippe V, et frère de l’évêque de Cuença, devenu duc d’Abrantès par la mort de ce frère et de son père, duquel j’ai parlé à propos du plaisant adieu qu’il fit à l’ambassadeur de l’empereur le jour de l’ouverture du testament de Charles II. Cet évêque, qu’on n’appelle jamais que le duc d’Abrantès, a trouvé le crédit à mon départ d’Espagne, c’est-à-dire fort peu après, de faire faire grand ce frère bâtard, pour soutenir la maison éteinte, que j’ai expliquée plus haut, et on le nomme le duc de Liñarès. Ce sont ces usages plus qu’abusifs qui ont donné cette distinction aux grands mariés comme aux non mariés, que leurs bâtards, et comme tels, sont admis dans l’ordre de Malte, comme chevaliers de justice, sans différence des légitimes. Il faut sur cela remarquer qu’après la perte de Rhodes, cet ordre, devenu errant et prêt à se dissiper, fut protégé et recueilli par Charles-Quint, qui lui donna l’île de Malte en toute souveraineté, fors l’hommage annuel de quelques oiseaux pour la chasse, et qu’encore aujourd’hui l’ambassadeur de Malte ne se couvre point en aucun cas devant le roi d’Espagne, bien qu’il le reçoive en audience publique où les grands assistent couverts, et où je me suis trouvé comme grand avec eux, quoique cet ambassadeur jouisse à Madrid, et par toute l’Espagne, de toutes les autres prérogatives du caractère d’ambassadeur, excepté aux chapelles, où il n’a ni place ni fonction. Or, cette obligation envers la couronne d’Espagne, jointe aux usages particuliers à ce seul pays sur les bâtards, peut avoir eu grande part à l’admission de ceux des grands dans l’ordre de Malte. Je dis ce seul pays, les comtes de Guldenlew ne pouvant faire exemple dans ce recoin du Nord, demi païen encore dans sa domination, puisque ces bâtards des rois de Danemark n’en font pas même pour la Suède, ni pour tout le reste du Nord, qui n’abhorre pas moins la bâtardise qu’on la déteste et qu’on l’anéantit dans toute l’Allemagne.