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Car il est très vrai qu’elle ne sent pas assez toute la différence d’une naissance légitime d’avec une naturelle provenue de deux personnes libres. Ces sortes de bâtards héritent sang difficulté presque comme les légitimes, et sont grands par succession, s’il ne survient un légitime par le mariage du père ; en ce cas, le bâtard a sa part de droit qui peut même être grossie jusqu’à un certain point par la volonté du père. De ceux-là sont sorties des maisons puissantes et très difficiles à démêler d’avec les légitimes.

Ils deviennent grands, non seulement par succession directe, à faute de légitime, mais encore par succession féminine et collatérale ; et si cette sorte de bâtard est fils d’un fort grand seigneur, et aimé de lui, il trouve à se marier très souvent aussi bien que s’il étoit légitime. Lui passé, il n’y a plus de différence.

Les bâtards d’une fille et d’un homme marié ont aussi leur part, mais très légère ; s’il y a un légitime, ils sont tout à fait sous sa main, le père alors ayant les siennes bien plus liées à l’égard du bâtard. Ceux-ci n’ont pas la même part aux successions femelles et collatérales que ceux de deux libres, lesquels, à faute de frères et de sœurs légitimes, les recueillent entièrement.

Néanmoins cette espèce adultérine ne laisse pas de trouver des partis avantageux, s’ils sont sans frères et sans sœurs légitimes, ou s’ils sont fils de fort grands seigneurs qui les aiment, leur postérité perd avec le temps la flétrissure de son origine, et supplée quelquefois en tout à la légitime, quoique bien plus rarement que l’autre espèce de simples bâtards. On en a vu de toutes les deux, ayant des frères légitimes, être faits grands par le crédit de leurs pères, et fonder alors de plain-pied des maisons presque pareilles à celles dont ils sortoient par bâtardise, et dans la suite, leur postérité et la légitime tout à fait confondues. Il y a encore des exemples récents de ces sortes de grands. Tel est aujourd’hui un bâtard du duc d’Abrantès, frère du duc de Liñarès, mort sans enfants