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gradation de la grandesse pour arriver au point où elle se trouve aujourd’hui. De cette puissance de suspendre tout effet de la grandesse, les rois ont prétendu les grandesses même amovibles à leur volonté, encore que rien d’approchant ne se trouve dans pas une de leurs patentes. De cette prétention s’est introduite une coutume qui l’établit puissamment, et qui est une des différences de la première classe d’avec les autres. Le temps précis de son commencement, je ne l’établirai pas, mais s’il n’est pas de Philippe II, auquel il ressemble fort, et qui a établi les deux classes en inventant la seconde, il ne passe point Philippe III. C’est que toutes les fois que l’on succède à une grandesse qui n’est pas de la première classe, fût-ce de père à fils, l’héritier donne part au roi par une lettre, même de Madrid à Madrid, de la mort du grand auquel il succède, et la signe sans prendre d’autre nom que le sien accoutumé, et point celui de grand qu’il doit prendre, ni faire sentir, en quoi que ce soit de la lettre, qu’il se répute déjà grand. Le roi lui fait réponse, et dans cette réponse, le nomme non de son nom accoutumé, mais de celui de la grandesse qui lui est échue, et le traite de cousin et avec toutes les distinctions qui appartiennent aux grands. Après cette réponse, et non plus tôt, l’héritier prend le nom de sa grandesse et les manières des grands ; mais il attend pour le rang et toutes les prérogatives la cérémonie de sa couverture. Ainsi le roi est non seulement le maître de suspendre tant qu’il lui plaît l’effet de la grandesse de toute classe, en suspendant ou refusant la couverture (comme il vient d’être montré par l’exemple du dernier duc de Medina-Sidonia, grand de première classe et de Charles-Quint), mais encore le nom et le titre, dont les héritiers les plus incontestables, même de père à fils, pour les grandesses qui ne sont pas de première classe, font nécessairement un acte si authentique de reconnoître qu’il ne leur appartient pas de le prendre, jusqu’à ce qu’il ait plu au roi par sa réponse de le leur donner, quoique