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se trouvât lors en Espagne, et tout de suite y nomma M. le duc de Berry et M. le duc d’Orléans, à qui quelque temps après le roi le donna par commission du roi son petit-fils.

La cérémonie s’en fit à la messe, en la même façon et en même temps que les évêques nouvellement sacrés y prêtent au roi leur serment de fidélité.

Torcy y fit la fonction de chancelier de la Toison. Comme il n’y avoit ici aucun chevalier de cet ordre, il n’y eut point de parrains, et les grands habits de cérémonie qui appartiennent à l’ordre et non aux chevaliers, étant demeurés en Flandre, ils ne se portoient point en Espagne, où on recevoit, et puis on portoit le collier sur ses habits ordinaires, ce qui fit que ces deux princes le reçurent de même de la main du roi.

M. d’Harcourt un peu rétabli, mais hors d’état de supporter aucune fatigue ni aucun travail, obtint son rappel. Marsin[1], qui servoit sous le maréchal Catinat et qui étoit en Italie, fut choisi pour l’aller relever en la même qualité.

C’étoit un très petit homme, vif, sémillant, ambitieux, bas complimenteur sans fin, babillard de même, dévot pourtant, et qui par là avoit plu à Charost avec qui il avoit fort servi en Flandre, s’étoit fait son ami, et par lui s’étoit fait goûter à M. de Cambrai et aux ducs de Chevreuse et de Beauvilliers. Il ne manquoit ni d’esprit ni de manège, ne laissoit pas, malgré ce flux de bouche, d’être de bonne compagnie et d’être mêlé à l’armée avec la meilleure, et toujours bien avec le général sous qui il servoit. Tout cela le fit choisir pour cette ambassade fort au-dessus de sa capacité et de son maintien. Il était pauvre et fils de ce Marsin qui a tant fait parler de lui dans le parti de M. le Prince, et à qui son mérite militaire et son manège entre les diverses factions valurent enfin la Jarretière de Charles II au scandale universel, parce que c’étoit un Liégeois de très peu de

  1. Saint-Simon écrit tantôt Marchin, tantôt Marsin ; nous avous suivi, pour ce nom, la forme ordinairement adoptée