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avec tout le secret qu’elle demandoit. Alors il fallut bien mettre Ubilla dans le secret. Ce ministre, tel que je l’ai dépeint d’après ceux qui l’ont fort connu, et qui ont vécu avez lui en maniement commun de toutes les affaires, n’eut pas peine à entrer dans les vues favorables à la France. Il les trouva déjà si bien concertées, si à l’abri de toutes contradictions intérieures par le reculement de la reine, et si avancées en environs, qu’il se joignit de bonne foi aux seigneurs du secret qui acquirent ainsi une bonne tête, et un ministère qui s’étendoit sur toute la monarchie, et duquel il leur eût été comme impossible de se passer. Le pape reçut, directement la consultation du roi d’Espagne, et ne le fit pas attendre pour la réponse et sa décision. Il lui récrivit qu’étant lui-même en un état aussi proche que l’étoit Sa Majesté Catholique d’aller rendre compte au souverain pasteur du troupeau universel qu’il lui avoit confié, il avoit un intérêt aussi grand et aussi pressant qu’elle-même de lui donner un conseil dont il ne pût alors recevoir de reproches, qu’il pensât combien peu il devoit se laisser toucher aux intérêts de la maison d’Autriche en comparaison de ceux de son éternité, et de ce compte terrible qu’il étoit si peu éloigné d’aller rendre au souverain juge des rois qui ne reçoit point d’excuses et ne fait acception de personne. Qu’il voyoit bien lui-même que les enfants du Dauphin étoient les vrais, les seuls et les légitimes héritiers de sa monarchie, qui excluoit tous autres, et du vivant desquels et de leur postérité, l’archiduc, la sienne et toute la maison d’Autriche n’avoient aucun droit, et étoient entièrement étrangers. Que plus la succession étoit immense, plus l’injustice qu’il y commettroit lui deviendroit terrible au jugement de Dieu ; que c’étoit donc à lui à n’oublier aucunes des précautions ni des mesures que toute sa sagesse lui pourroit inspirer pour faire justice à qui il la devoit, et pour assurer autant qu’il lui seroit possible l’entière totalité de sa succession et de sa monarchie à un des fils de France. Le secret de la consultation