Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours frappé de cette folle persuasion ; rien ne put le remettre, et il mourut en très-peu de jours. C’est l’aïeul paternel de tous ces La Varenne. Tessé avoit une autre fille fort jolie dont il fit le mariage avec Maulevrier, qui avoit quitté le petit collet lorsque son frère fut tué dans Namur ; il étoit fils de Maulevrier frère de M. Colbert et chevalier de l’ordre, qui mourut de douleur de n’avoir pas été maréchal de France, comme je l’ai raconté. Celui-ci avoit le régiment de Navarre, et me donnera lieu de parler de lui.

En même temps presque que le prince de Darmstadt s’établit en Espagne, comme je l’ai expliqué, il fut fait vice-roi de Catalogne par l’intrigue des serviteurs de l’empereur et l’appui de la reine d’Espagne, et par les mêmes chemins le prince de Vaudemont fut fait gouverneur général du Milanais.

C’est un personnage sur lequel il faut s’arrêter, et dont je parlerai plus d’une fois dans les suites. Il étoit bâtard de Charles IV, duc de Lorraine, gendre du duc d’Elbœuf et beau-frère du comte de Lislebonne, frère du même duc d’Elbœuf. Il l’étoit aussi du duc de La Rochefoucauld. Détaillons tout ceci.

On connoît encore trop la vie et les diverses fortunes de Charles IV, duc de Lorraine, pour parler de son génie et des extrémités où il le jeta. Ami de tous les partis, fidèle à aucun, souvent dépouillé de ses États, et tantôt les abdiquant, puis les reprenant, tantôt en France avec les rebelles, puis à la cour, tantôt à la tête de ses troupes sans feu ni lieu qu’il faisoit subsister aux dépens d’autrui, et y vivant lui-même, d’autres fois au service de la France, puis de l’empereur, après de l’Espagne, souvent à Bruxelles, enfin enlevé et conduit prisonnier en Espagne ; toujours marié, et jamais avec la duchesse Nicole, héritière de Lorraine, sa cousine germaine, fille aînée d’Henri, duc de Lorraine, frère aîné de son père, qu’il avoit épousée en 1621, dont il n’eut point d’enfants et qu’il perdit en janvier 1657, ni avec Marie, fille unique de Charles, comte d’Apremont, qu’il