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faire restituer les provinces qu’il avoit perdues. Enfin c’est le père de Charles XII qui depuis a fait tant de bruit en Europe et achevé de ruiner la Suède. La mère de ce dernier étoit fille de Frédéric III, roi de Danemark, morte dès 1693 ; et la reine sa grand’mère fut encore une fois régente.

Les princes Alexandre et Constantin Sobieski se lassèrent d’un incognito qui ne leur donnoit rien ici, et qui marquoit seulement qu’ils n’y pouvoient obtenir les distinctions dont ils s’étoient flattés. Cette raison les fit renoncer à recevoir ici l’ordre du Saint-Esprit. On y étoit fort mécontent de la reine leur mère. Ils prirent le parti de s’en aller et de dire qu’ils vouloient arriver en Pologne avant l’élection : ils prirent ainsi congé du roi, et s’en allèrent vers la mi-avril.

Les nouvelles de ce pays commençoient à n’être plus si favorables. On apprit avec étonnement que l’abbé de Polignac s’étoit beaucoup trop avancé et, entre autres promesses, s’étoit engagé d’accorder que le prince de Conti prendroit à ses dépens Caminieck occupé par les Turcs, et qu’il feroit cette conquête avant son couronnement, sans quoi son élection demeureroit nulle.

Un particulier, quelque grand et riche et appuyé qu’il fût, ne pouvoit pas se flatter de suffire à cette dépense, et de faire dépendre la validité de l’élection du succès de cette entreprise. C’étoit exposer la fortune d’un prince du sang, non seulement à l’incertitude des hasards d’un grand siège, mais à toutes les trahisons de ceux qui se trouveroient intéressés à le faire échouer par leur engagement contre l’élection de ce prince. On en fut si choqué à la cour, qu’on envoya Ferval en Pologne pour voir plus clair à ces avances de l’abbé de Polignac, essayer de raccommoder ce qu’il avoit gâté, et donner des nouvelles plus nettes et plus désintéressées de toute cette négociation. Peu après arriva un gentilhomme de la part du cardinal Radziewski, archevêque de Gnesne, qui étoit à la tète du parti du prince de Conti, et qui, comme primat de Pologne, étoit à la tête de la république pendant l’interrègne. Le