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pour Mayence. C’étoit encore un Normand et fort délié, et très-capable d’affaires. Des autres, j’aurai lieu d’en parler ailleurs ainsi que de Puysieux, qui alla relever Amelot, conseiller d’État, en Suisse, et d’Harcourt, en Espagne.

Ces emplois étrangers me font souvenir d’une anecdote étrangère qui mérite bien de n’être pas oubliée. J’ai remarqué en parlant du siège et de la prise de Barcelone par M. de Vendôme, que le prince de Darmstadt commandoit dans le Montjoui, qui en est comme la citadelle, quoiqu’un peu séparé. Le fil de la narration m’a emporté ailleurs, il faut revenir à ce prince. C’étoit un homme fort bien fait, de la maison de Hesse, parent de la reine d’Espagne, de ces cadets qui n’ont rien, qui servent où ils peuvent pour vivre, et qui vont cherchant fortune. On prétend qu’à un premier voyage qu’il fit en effet en Espagne, il ne déplut pas à la reine. Le reste de ce que je vais raconter, on le prétendit aussi, je n’en puis fournir d’autres garants, mais je l’ai ouï prétendre à des personnages qui n’étoient ni accusés ni en place de prétendre légèrement. On prétendit donc que le même conseil de Vienne qui, par raison d’État, ne se fit pas scrupule d’empoisonner la reine d’Espagne, fille de Monsieur, parce qu’elle n’avoit point d’enfants, et parce qu’elle avoit trop d’ascendant sur le cœur et sur l’esprit du roi son mari, et qui fit exécuter ce crime par la comtesse de Soissons, réfugiée en Espagne, sous la direction du comte de Mansfeld, ambassadeur de l’empereur à Madrid, ne fut pas plus scrupuleux sur un autre point.

Il avoit remarié le roi d’Espagne à la sœur de l’impératrice. C’étoit une princesse grande, majestueuse, très-bien faite, qui n’étoit pas sans beauté et sans esprit, et qui, conduite par les ministres de l’empereur et par le parti qu’il s’étoit de longue main formé à Madrid, prit un grand crédit sur le roi d’Espagne. C’étoit bien une partie principale de ce que le conseil de l’empereur s’étoit proposé ; mais le plus important manquoit, c’étoit des enfants. Il en avoit espéré