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brigadier de cavalerie avec distinction, et l’affaire de sa survivance de capitaine des gardes du corps étoit comme faite, ce qui augmenta fort la douleur de sa famille. Sa mère, sœur du duc de Ventadour, ne s’en est jamais consolée ; elle l’aimoit uniquement. C’étoit un homme bien fait et d’une beauté singulière ; le vin et les débauches l’avoient fort changé et rendu goutteux. C’étoit un fort honnête homme et fort aimé, brave, doux et voulant faire, mais sans aucun esprit. Son père l’avoit assez étrangement marié de tous points ; il lui céda sa dignité en le mariant, le fit appeler le duc de Duras, et prit le nom de maréchal de Duras. Jusqu’alors on ne l’avoit jamais appelé que le duc de Duras, et c’est le premier duc-maréchal de France qui, par le défaut de terres à porter divers noms, et pour la distinction de l’un et de l’autre, se soit fait appeler maréchal. Jamais on n’a dit que le duc de Navailles, le duc de Vivonne, etc. Depuis, cet exemple a été suivi par la même convenance, et peu à peu a quelquefois prévalu sans cette raison. Le duc de Duras ne laissa que deux filles ; il n’avoit qu’un frère beaucoup plus jeune que lui à qui le roi donna son régiment.

Le même jour de la nouvelle de cette mort, qui étoit un mercredi, 18 septembre, à Versailles, veille du départ du roi pour Fontainebleau, M. Pelletier, ministre d’État, prit congé du roi à la fin du conseil, et, sans en avoir parlé à qui que ce fût qu’au roi, monta tout de suite en carrosse, et se retira en sa maison de Villeneuve-le-Roi. Il avoit passé par les charges de conseiller au parlement et de président en la quatrième chambre des enquêtes ; après il fut prévôt des marchands, et fit à Paris ce quai près de la Grève qui porte encore son nom. De là il devint conseiller d’État, qui est le débouché ordinaire des prévôts des marchands. Il fut connu de M. Le Tellier et de M. de Louvois qui le servirent pour ces places, et entra tellement dans leur confiance qu’il devint l’arbitre des affaires de leur famille et des débats particuliers