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La duchesse de La Feuillade mourut à Paris fort jeune, de la poitrine, et ce fut dommage de toutes façons, et il n’y eut que son mari qui ne s’en soucia guère. Il avoit toujours très-mal vécu avec elle, quoiqu’elle ne méritât rien moins, et avec un parfoit mépris pour sa famille qui avoit toujours fait merveilles pour lui. Il répondit une fois assez plaisamment à quelqu’un qui vouloit parler à son beau-père, et qui lui demanda ce qu’il faisoit, qu’il étoit à éplucher de la salade avec ses commis : en effet Châteauneuf n’avoit aucun département que des provinces[1]. Les huguenots étoient le département particulier de sa charge de secrétaire d’État, qui la rendoit importante lorsqu’ils faisoient un corps armé avec lequel il falloit compter, mais depuis la révocation de l’édit de Nantes, cette charge de secrétaire d’État étoit à peu près nulle, et Châteauneuf de son génie et de sa personne existoit encore moins, s’il se pouvait. La Feuillade n’eut point d’enfants de ce mariage et n’avoit guère cherché à en avoir.

Le duc de Duras mourut de la petite vérole, et de beaucoup d’autres, en Flandre pendant la campagne. Il étoit

  1. Les quatre secrétaires d’État sous l’ancienne monarchie, se partageaient les provinces, parce qu’il n’y avait pas alors de ministère de l’intérieur. Voici le tableau des provinces qui dépendaient, en 1181, des divers secrétaires d’État, d’après Guyot (Traité des Offices, livre I, chap. LXXII.) : 1° le secrétaire d’État chargé des affaires étrangères avait dans son département, la Guyenne, la Gascogne, la Normandie, la Champagne, la principauté de Dombes. le Berry ; 2° du secrétaire d’État de la maison du roi dépendaient la ville et généralité de Paris, le Languedoc. la Provence, la Bourgogne. la Bresse, le Bugey, le Valromey. le pays de Gex, la Bretagne, le comté de Foix, la Navarre, le Béarn. le Bigorre. la Picardie, le Boulonais, la Touraine, le Bourbonnais. 1`Auvergne, le Nivernais, la Marche, le Limousin, l’orléanais, le Poitou, l’Aunis et la Saintonge, 3° les ports de mer et les colonies relevaient du ministre de la marine : 4° le secrétaire d’État de la guerre avait dans son département. les Trois-Evèchés (Toul, Metz et Verdun), la Lorraine, l’Artois, la Flandre, l’Alsace, la Franche-Comté, le Dauphiné. le Roussillon et l’î1e de Corse. Le secrétaire d’État de la maison du roi (c’était le département de Chateauneuf dont parle Saint-Simon) était comme on le voit, celui des ministres qui avait dans ses attributions le plus grand nombre de provinces.